Son visage et le tien : un cheminement intime en quête de la Présence ultime
Alexis JENNI, Albin Michel, 2014, 190 p. 15 €
Alexis JENNI est l’auteur de «l’Art français de la guerre», prix Goncourt 2011. Il change complètement de registre dans cette méditation qui nous parle de sa relation à Dieu.
Merci Alexis JENNI pour ce cheminement intime en quête de la Présence ultime!
Votre livre se lit avec une curiosité qui ne se lasse pas au fil des pages. Méditation empreinte de poésie, il est aussi témoignage d’une expérience dont la singularité fait toute la richesse. Et l’on se prend à oser croire avec vous que la vie éternelle commence dès aujourd’hui. Si les mots nous manquent certainement pour exprimer la réalité de Dieu, cela ne l’influence en rien.
Vie éternelle, libérée par nature de l’espace et du temps. Quelle perspective libératrice! «Présence déjà là, qui nous fait la rechercher, qui nous donne le désir et le goût».
Vous suivre dans votre quête est un véritable plaisir ou l’on découvre que nous disposons peut-être d’une «sensibilité extrême de tous les sens (…) que l’on pourrait appeler le sens de présence».
Et bien sûr, les mots sont trop petits pour dire Dieu; le savoir inadapté pour en rendre compte. Seule «une pensée fluide», une vie vécue dans la pleine conscience d’un corps perpétuellement vivant laissent entrevoir que «la foi dans sa simplicité permet simplement de sentir la vie en son moment d’apparition, dans toute son intensité».
Vous partagez avec votre lecteur «le goût de Dieu», le désir de le connaître qui est aussi le désir de vivre pleinement. On ne peut pas voir Dieu bien sûr. Nos yeux ne nous le permettent pas. Il se laisse entendre, dans un silence consenti où l’âme alors apaisée saura percevoir son murmure.
Nous sommes en connivence avec votre désir profond d’être un peu plus grand que vous-même. Le désir appelle à la rescousse la totalité des capacités sensibles de l’humain. Cette «capacité esthétique» qui transcende ce que le savoir seul ne saurait révéler.
Ainsi, loin d’être une élucubration mentale, votre quête est pleinement inscrite dans le corps car «nous n’avons pas d’autre lieu(…) nous sommes ce corps, et il est capable de Dieu».
Féconde intersection entre deux mondes, celui de la matière et celui de l’esprit.
Votre livre réussit cet exploit de la parole performative qui crée son objet en le disant, continuité de la parole première qui dit: «que la lumière soit», et la lumière fut.
Certes, le Dieu que nous créons par la parole risque toujours de confiner à la caricature. Pourtant «Dieu, c’est l’être de la parole, qui s’adresse, qui donne vie, et donne sens; à moi personnellement, et à tous ceux qui l’entendent. (..) Peu importe ce qu’on lui dit et ce qu’il dit, la parole est un acte sensible qui est un lien».
Votre livre s’achève sur une proposition d’un Dieu qui n’a d’autre visage que celui des visages superposés de tous ceux qui l’écoutent et le sentent, et ainsi ressemble à tous et à chacun. Le visage du Christ, c’est alors le visage de l’humanité.
C’est donc avec plaisir et attention que le lecteur vous accompagne, du mot «savoir» au mot «aimer», dans votre intuition que Dieu ne se découvre que dans le visage de l’autre pour une vie éternelle dans un «ici» et «maintenant» sans cesse renouvelé.
Un livre magnifique sur la joie d’une foi vivante.
Annelyse Guillaume
Illustration : "Le visage" de Magritte