Anton van der Lingen (docteur en théologie, ancien élève de l’École biblique et archéologique française à Jérusalem, enseignant et pasteur de l’Église protestante des Pays-Bas) publie chez Olivétan « L'exil à Babylone : une crise salutaire. Israël se divise, se perd et se réinvente », étude portant sur cinq siècles d’histoire biblique, de 922 à 398 avant Jésus-Christ, autour des évènements majeurs que furent la destruction de Jérusalem en 587 et les déportations d’une partie des Judéens en Mésopotamie.

 

                                                               

 

L'exil à Babylone : une crise salutaire
Israël se divise, se perd et se réinvente.
Anton van der Lingen
Editions Olivétan, 2024
226 pages, 21.00 €

 

Il reste prudent. Car si les exégètes et historiens ont une compréhension largement partagée des évènements allant de la séparation des royaumes à la chute de Jérusalem, les faits liés au séjour à Babylone et au retour des déportés en Canaan donnent lieu à des points de vue très divers. De plus, l’historiographie biblique est une réalité subjective et religieuse, davantage une idéologie qu’une source historique.

 

                                                                   

 

Anton van der Lingen

    

Après avoir rappelé la formation des deux royaumes d’Israël et de Juda, Anton van der Lingen se place au temps d’Ezéchias à la veille de la chute de Jérusalem. Il évoque ensuite le séjour des déportés en Mésopotamie, puis il termine par leur retour et leur installation en Canaan pendant l’époque perse.

    

Quel plaisir pour le lecteur de bénéficier de synthèses et de ne pas devoir puiser dans plusieurs livres bibliques pour mieux appréhender tel ou tel point ! 

   

Une lecture attentive de l’ouvrage éclaire la nécessaire mobilisation autour des enjeux qui surgissent alors : préserver l’identité du peuple juif et une foi unique en Dieu.

    

Jusqu’à la chute de Samarie en 722, l’auteur se centre sur les rois du royaume du Nord, particulièrement les Omrides et les Jéhudites. Puis il observe les rois du royaume du Sud après ce désastre, d’Ezéchias à Sédécias, dernier roi de Juda. 

    

L’auteur souligne l’instabilité politique d’Israël et la relative stabilité de Juda. Il décrit le développement économique de chaque état.

   

Il revient sur les croyances et les pratiques religieuses du peuple, expressions multiples en Israël, plutôt concentrées sur YHWH, le « Dieu tribal », en Juda.

    

Concernant la politique internationale, il analyse les relations entre les puissances du Moyen-Orient. (Figure en annexe un tableau chronologique et synoptique des prophètes et des rois en Mésopotamie, à Damas, en Israël, en Juda et en Egypte.)

    

Les prophètes retiennent toute l’attention d’Anton van der Lingen, qu’ils apparaissent dans les récits historiques ou dans les livres bibliques éponymes.

    

 L’auteur rappelle systématiquement le contexte de leurs activités prophétiques et s’attarde sur certains d’entre eux. Leurs paroles, parfois contradictoires, alimentent sans cesse les débats sur la véracité de leurs dires. Mais, qu’ils soient écoutés ou non, ils jouent un rôle crucial dans le domaine religieux, militaire, social et politique.

 

Leur action est fondamentale dans l’évolution de la théologie juive, et par conséquent sur la théologie chrétienne.

    

  •          Dès qu’ils sont confrontés aux réalités de la catastrophe vécue par Israël, et avant la chute de Jérusalem, ils remettent en cause les dogmes jusqu’alors incontestés d’une foi trompeuse et ouvrent la voie à une nouvelle théologie des interventions de Dieu pour le bien de son peuple. Des réflexions émergent, par exemple sur le rapport entre la faute humaine et la punition divine.
  •          Pendant le séjour en Mésopotamie et au moment du retour en Canaan, ils consolident les traditions pertinentes et diffusent dans la société des idées importantes : le monothéisme, la tension entre particularisme et universalisme, l’eschatologie avec la perspective du salut, le messianisme avec la venue lointaine d’un roi issu de la dynastie davidique, la Loi, le culte dans le temple de Jérusalem, le retour de l’exil comme un nouvel exode, le thème de l’alliance, la notion du « reste », etc.

     

L’auteur explique ces apports et analyse minutieusement les étapes du développement théologique de la foi juive. Il en montre la conséquence : les remaniements, les réinterprétations et les adaptations progressives des textes bibliques du Premier Testament.

    

Il est donc intéressant d’examiner l’exil babylonien comme un tournant dans l’histoire du peuple juif.

     

Anton van der Lingen conclut son épilogue par l’actualité en s’interrogeant sur l’intégration des immigrés et le multiculturalisme.

     

Il faut lire ce livre documenté par les apports des exégètes, historiens et théologiens contemporains des évènements, éclairés par les recherches et études scientifiques actuelles.  

     

Anton van der Lingen précise ne pas avoir voulu rédiger une étude académique mais une synthèse accessible aux non-spécialistes croyants. Son objectif est atteint !

 

        

Brigitte EVRARD

      

Vidéo de présentation du livre par son auteur