Mais délivre nous du mal ... Traité de démonologie Biblique
Alain Nisus
Mais délivre-nous du mal. Traité de démonologie biblique.
(Maison de la Bible, 2016, 238 p., 17,90 €)
Je dois vous faire un aveu: j’ai abordé l’ouvrage d’Alain Nisus avec un a priori plutôt positif. Ayant été un des étudiants de ce professeur de théologie systématique à la Faculté Libre de Théologie Evangélique (Vaux-sur-Seine), son cours sur la démonologie m’avait laissé de très bons souvenirs. À la lecture de son Traité de démonologie biblique, je me suis réjoui de retrouver cet équilibre rare lorsqu’il s’agit d’aborder une question aussi épineuse.
Le théologien baptiste cite, en introduction, la fameuse préface de l’ouvrage de C.S. Lewis, Tactique du diable: «Au sujet du diable et des démons, les hommes peuvent commettre deux erreurs. Elles sont diamétralement opposées mais aussi graves l’une que l’autre. L’une consiste à nier leur existence, l’autre à leur porter un intérêt excessif et malsain.»1. Par son approche nuancée et, surtout, solidement fondée sur la Bible, Alain Nisus démontre qu’il est possible de trouver un équilibre entre la critique «matérialiste» et les excès du «magicien».
Après avoir dénoncé ces deux écueils, le théologien va consacrer les deux premières parties de son ouvrage à une étude des données de l’Ancien et du Nouveau Testaments. L’auteur aborde les questions de terminologie: il résume notamment les débats sur les termes hébreux dont le sens est discuté (Shedim, Se’irim, Lilith, Azazel…). Les textes-clés sont commentés, et les questions importantes sont discutées.
Les troisième et quatrième parties s’attarderont sur deux problématiques particulières: la question de la «possession démoniaque» et celle du «combat spirituel». Alain Nisus préfère parler de «démonisation» que de «possession démoniaque» car «les Evangiles disent que la personne “a” un démon et non pas que le démon “a” ou “possède” une personne» (p. 159). Après une analyse des différents passages bibliques sur le sujet, le théologien propose quelques pistes de réflexion pratique autour de questions comme «Comment poser un diagnostic de démonisation?» (chapitre 15). Il prend aussi position – avec beaucoup de nuances – contre l’idée qu’un chrétien puisse être démonisé (chapitre 16). Un autre chapitre évoquera les «points forts» et les «points faibles» du «combat spirituel stratégique contre les esprits territoriaux», prôné dans certains milieux évangéliques (chapitre 19).
L’ouvrage souhaite «faire le pont» entre la littérature technique de type académique, et les ouvrages «grand public» généralement fondés sur l’expérience pratique au détriment d’un fondement scripturaire solide. Ainsi, Alain Nisus résume brillamment les discussions théologiques, tout en les mettant à la portée d’un public de «non spécialistes». Le professeur sait faire preuve de pédagogie (quitte à être parfois un peu répétitif): les termes techniques sont expliqués, les discussions plus pointues sont reportées dans des encarts, d’autres encadrés mettent en relief des éléments «à méditer», de nombreux sous-titres permettent de guider le lecteur.
Au-delà de l’effort sur la forme, le théologien, qui a aussi été pasteur, se montre particulièrement soucieux de rejoindre la pratique et le questionnement des Eglises. Alain Nisus prend le temps de discuter plus longuement les questions les plus débattues parmi les croyants, et non uniquement celles qui intéressent les cercles académiques. Sur des sujets discutés, comme la «possibilité de la possession démoniaque des croyants», il sait prendre le temps d’expliquer les arguments des uns et des autres, de nuancer le débat ou de faire comprendre la manière dont les termes clés sont utilisés. On appréciera ce ton irénique qui, même lorsqu’il les critique, ne prend jamais de haut les pratiques ou croyances de telle mouvance ou de telle confession chrétienne.
Avec ce Traité de démonologie biblique, Alain Nisus met à la disposition du public francophone un livre incontournable pour tout chrétien qui souhaite réfléchir bibliquement sur le sujet. Un ouvrage complet, solide, tout en restant abordable.
Timothée Minard
1 C.S. LEWIS, Tactique du diable, trad. d’Etienne Huser, Préface. Irène Fernandez, Ed. Empreinte temps présent, Paris, 2010, p. 7.