Ce que l ’absence rend possible dans la Bible
C’est une attention particulière à l’œuvre de Sophie Calle qui va inspirer sur l’herméneutique juive Marie-Laure DURAND, docteur en théologie, pour son livre paru aux Editions Olivétan « Ce qui nait de l’absence ».
Ce qui naît de l'absence
Marie-Laure Durand
Editions Olivétan
2017
160 pages
17 €
Sophie Calle est une artiste et une femme de lettres dont la renommée dépasse nos frontières. Sa source d’inspiration tourne souvent autour du manque, de l’absence et du deuil. Ceci sur des cas très particuliers. Ainsi, profitant du vol ou du prêt de certains tableaux à d’autres musées, Sophie Calle interroge les personnes qui ont été en contact avec ces œuvres, mettant en évidence chez ses interlocuteurs le manque produit par l’absence . Les témoignages obtenus aboutissent à des constats sur cette parole qui implique personnellement leurs auteurs et se révèle créatrice. Ils font comprendre que la disparition crée un vide qui rend possible l’advenue d’autre chose.
La disparition permettrait donc que du nouveau naisse dans la réflexion sans que soit oublié ce qui fut. Tel est le constat qui conduit Marie-Laure Durand à étudier dans la Bible ce que l’absence rend possible. Pour cela, elle se concentre sur la destruction du Temple de Jérusalem et la disparition du corps de Christ. Elle veut observer et écouter les réactions à ces deux évènements qui ont laissé un grand vide et ont ouvert un avenir.
Avec cette présentation originale d’un thème souvent abordé , Marie-Laure Durand donne vraiment au lecteur l’envie d’aller plus loin !
Pour étudier ce que dit l’absence du Temple de Jérusalem, l’auteur sélectionne trois textes :
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La liste des objets présents et volés dans le Temple détruit, détaillée dans le texte de Jérémie. L’auteure s’interroge sur le but de cette énumération. Elle tente de lui donner un statut à partir d’une démarche originale consistant à la comparer à des listes que nous connaissons bien (un rapport de police, le recensement d’une succession et un inventaire archéologique), dans la mesure où ces listes sont porteuses d’orientations différentes vers le passé et vers l’avenir, d’attachements ou de détachements. Pour guider le choix d’un statut qu’elle nous proposera à la fin du chapitre, viennent ensuite toute une série de questions et de commentaires sur le voleur et ses motivations, sur l’histoire des objets de leur arrivée à Babylone à leur restitution par Cyrus en passant par le banquet de Belshassar.
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Une des visions du prophète Ezéchiel, celle où il visite ce qui semble être le futur Temple de Jérusalem. C’est une invitation à se projeter dans l’avenir et à imaginer le retour de la gloire de Dieu dans un temple reconstruit. Or le Dieu qui s’est révélé à Ezéchiel est un Dieu en mouvement. Ce constat suscite les recherches de Marie-Laure Durand sur ce que le nouveau Temple rend possible par rapport à l’ancien Temple. L’auteure nous conduit à observer l’architecture qui organise l’espace et nous montre comment ce Temple à reconstruire en dit finalement davantage sur les besoins des hommes que sur le besoin de Dieu.
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La mort de Moïse, texte du Deutéronome écrit par les exilés et qui témoigne de l’absence. L’auteure s’interroge sur la dernière vision de Moïse : la terre promise dans laquelle il n’entrera pas selon le sens littéral du récit biblique ou l’histoire future des Hébreux à laquelle il ne participera pas selon le sens ouvert par des reprises postérieures. L’auteure suggère au lecteur ce que Dieu a fait comprendre à Moïse sur le plan spirituel. Elle partage ensuite sa propre compréhension de la mort de Moïse, en lien avec la destruction du Temple.
Pour étudier ce que dit l’absence du corps de Christ, Marie-Laure Durand s’appuie essentiellement sur l’Evangile de Jean.
Elle se centre sur une triple disparition : la mort physique de Jésus, la disparition du corps mis au tombeau et la disparition des apparitions du ressuscité, disparition définitive quand Jésus monte au ciel.
Pour ces trois disparitions, elle se met à l’écoute des personnages-clés des évènements.
Seront ainsi questionnés :
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Joseph d'Arimathée et Nicodème qui réclament le corps de Jésus à Pilate et le mettent au tombeau. L’auteure s’interroge également sur la place que prend la judéité de Jésus au moment de sa mort.
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Marie-Madeleine dont les pleurs apparaissent quand elle constate la disparition du corps dans le tombeau. L’auteure commente aussi la position des deux anges dans le tombeau et leur façon de définir l’endroit précis de l’absence du corps.
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Thomas qui ne croit pas un mot de l’apparition de Jésus ressuscité aux disciples alors qu’ils sont réunis portes closes.
Tout au long de l’ouvrage, chaque passage des Ecritures étudié se conclut par un court paragraphe titré « Paroles face au vide », paroles sur le sens créé par l’absence décrite.
Original, captivant, vivant, ce livre est agréable à lire.
Il peut être lu par tout chrétien pour simplement approfondir ses connaissances ou pour revenir sur des interrogations fondamentales autour des vides qui nous marquent souvent si profondément.
Brigitte Evrard