Comment tout a commencé : la naissance du christianisme
Enrico NORELLI (traduit de l’italien par Viviane Dutaut)
382 pages -Prix 21.90 euros
Comment le Christianisme a-t-il pu traverser les trois premiers siècles de notre ère malgré de violentes persécutions et se répandre dans tout l’Empire Romain? Voilà ce qu’Enrico NORELLI, spécialiste des origines du christianisme et de la littérature chrétienne ancienne, et professeur à la faculté de théologie de l’Université de Genève, nous enseigne, avec un regard d’historien:
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Au Ier siècle: le christianisme se caractérise par des communautés reliées entre elles à des zones de missions communes, par les déplacements des missionnaires, par des voyages et des contacts individuels;
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Au IIe siècle: Un réseau solide de rapports entre les églises en Orient et en Occident se met en place
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Au IIIe siècle: les grandes églises étendent leur contrôle sur de vastes territoires posant ainsi les bases de la pratique conciliaire et de l’Église d’Empire.
La problématique est tracée dès les premières pages. L’analyse est lancée et notre curiosité reste en éveil jusqu’à la fin, tant la clarté du propos et les qualités pédagogiques de l’ouvrage sont fortes.
La première question en entraîne d’autres toutes aussi pertinentes, que chaque individu, qu’il soit chrétien ou non, se pose.
Dès la fin du IIe siècle, les grandes options fondamentales du christianisme réussissent à s’imposer comme seul héritier de la personne du Christ.
Les bases indispensables du nouveau système religieux sont alors regroupées dans un recueil de textes. Les écrits proviennent des compagnons directs de Jésus ou de ses disciples. Le message de Jésus reste la norme fondatrice. Certes, il n’a rien écrit lui-même, et c’est le témoignage pluriel de ses disciples qui vaut. Quant aux textes admis dans le canon, ce, sont ceux des églises incluses dans l’espace de l’orthodoxie, les autres furent rejetés. Le Nouveau Testament était né.
Des positions prônaient l’idée d’un dessein providentiel selon lequel l’Empire et le christianisme convergeaient vers la création d’un monde uni et civilisé. Une nouvelle lignée en quelque sorte située dans l’héritage de Moïse et des prophètes.
Jésus n’a pas revendiqué le titre de Messie mais il s’est nommé comme «Fils de l’Homme», concept très complexe issu d’un personnage qui, dans le livre de Daniel, représente le peuple des saints, c’est-à-dire Israël en tant que fidèle à Dieu. Ce titre fera place à «Fils de Dieu» et «Seigneur» dans l’Église des origines.
La foi dans la résurrection de Jésus s’est inscrite dans la continuité de son action après sa mort. L’idée dominante étant son retour et la reconnaissance du Messie en sa personne.
Au IIe siècle, l’Église de Rome a considéré Pierre et Paul comme ses fondateurs en mettant plus tard l’accent sur Pierre. Dans les faits, elle existait avant que Paul se rende à Rome comme avant le séjour de Pierre (dont la réalité est d’ailleurs contestée). Ils ne seraient donc pas les premiers fondateurs mais un certain Lin (ou Linus) à qui Pierre et Paul remirent la charge de l’épiscopat.
Enrico NORELLI nous offre une analyse enrichissante sur la personnalité de Paul, son parcours et l’élaboration de sa théologie. Pour Paul, adhérer au Christ ne signifiait pas passer d’une religion à une autre; c’était: rester fidèle au Dieu d’Israël. L’une de ses plus grandes souffrances sera de voir la grande majorité d’Israël refuser la foi en Jésus (Romains 9-11).
Dans toutes ses lettres, Paul revendique sa qualité d’apôtre, c’est-à-dire de quelqu’un qui a reçu directement du Christ la tâche d’annoncer l’Évangile. Il ne se soumet en conséquence à l’autorité d’aucune église. (Galates 1-17).
L’importance est soulignée des conflits entre Juifs orthodoxes et juifs croyants qui continuent à pratiquer la Loi et le respect de la circoncision. Paul a légué au christianisme un modèle de Dieu qui se dégageait du lien ethnique et de ses marqueurs identitaires, tout en conservant l’expérience religieuse d’Israël.
Il y a, d’une part, la justification par la foi en Christ et la justification par les œuvres de la Loi. La croix étant le passage obligé vers le Salut et ceci pour les juifs et les non-juifs.
L’axe central de la théologie de Paul est la signification de la crucifixion et de la résurrection. Le cœur de l’activité de Paul est d’évangéliser. Il le fait avec beaucoup de réflexion, de préparation. Il ne laisse rien au hasard de sa mission: ses déplacements, ses objectifs, ses destinations, le choix de ses collaborateurs.
Différentes positions auraient pu condamner le christianisme à rester une secte mais la théologie du Logos et l’activité des «apologistes» du Christ (la première apologie du Christ est écrite par Tertullien en 197) lui conférèrent une responsabilité vis-à-vis du monde et lui ouvrirent la possibilité de collaborer avec ses pouvoirs. La voie était amorcée vers la collaboration qui allait se réaliser sur une vaste échelle à partir de Constantin.
«La naissance du christianisme» est un ouvrage d’une richesse historique indéniable. C’est un livre écrit dans le respect de la Science avec la réserve que l’Histoire impose. La complexité du sujet a été corrigée par un grand souci de la pédagogie qui le rend très abordable.
Un livre pour tous.
Elisabeth LOUSSAUT
Illustration : Photographie de Damien Guillaume - Extrait du livre La Turquie Biblique aux éditions Empreinte temps présent - Fresque de l'église de Karanlik à Göreme en Turquie. Saint Pierre et le Christ Pantocrator.