Le parcours de la bénédiction : Commentaire de l'Évangile selon Luc
Daniel Attinger est à la fois moine et pasteur protestant. Après une formation théologique à Neuchâtel (Suisse), à Tübingen (Allemagne) et à l’Institut œcuménique de Bossey (Suisse), il rejoint, dès 1968, la Communauté monastique œcuménique de Bose, dans le nord de l’Italie. Cette communauté, fondée par Enzo Bianchi, réunit des hommes et des femmes de différentes confessions chrétiennes autour de la prière et l’étude des Écritures, avec une place centrale donnée à l’Évangile. Daniel Attinger est également pasteur de l’Église évangélique réformée de Neuchâtel (Suisse). Il a aussi vécu plus de 20 ans à Jérusalem.
Le parcours de la bénédiction Commentaire de l'Evangile selon Luc
de Daniel Attinger aux éditions Olivétan 42 € aux éditions Olivétan 42 €
Il est l’auteur de plusieurs commentaires bibliques en italien, sur Jérémie, Job, Romains, les Actes des apôtres, mais aussi sur chacun des évangiles bibliques. Le présent commentaire, sur l’Évangile selon Luc, est une traduction par l’auteur lui-même d’un ouvrage d’abord paru en italien.
Daniel Attinger
Le commentaire reflète l’expérience et les compétences acquises par l’auteur au fil de son riche et atypique parcours de vie. D’une part, en tant que bibliste, formé en théologie protestante, Daniel Attinger livre une analyse du texte précise, attentive à sa construction et à son contexte historique. Même si le commentaire se veut largement accessible à des non spécialistes, il fait référence à certaines recherches et débats ayant cours dans les milieux académiques. D’autre part, en tant que pasteur et moine, il ne se contente pas d’analyser le texte biblique mais il montre comment celui-ci peut nourrir la foi et la vie spirituelle. Le parcours multiculturel et œcuménique de l’auteur se perçoit également dans les références qu’il peut faire à la géographie de la Terre sainte, à la tradition juive ou aux Pères de l’Église.
Après une préface d’Élian Cuvillier (p. 5-6), un court « avant-propos » (p. 7-10) et une liste bibliographique des « ouvrages cités » (p. 11-18), on entre rapidement dans le commentaire proprement dit. Au début de chaque section, Daniel Attinger livre sa propre traduction de la portion du texte qu’il va ensuite commenter. Le commentaire de chaque péricope est introduit par des remarques d’ensemble sur la structure du texte et les parallèles dans les autres évangiles. L’auteur soutient que Luc avait, parmi les sources utilisées, l’évangile de Marc – ce qui est l’avis quasi-unanime des spécialistes actuels –, mais aussi l’évangile de Matthieu, ce qui est un point de vue bien plus minoritaire. Il reste toutefois très prudent dans son analyse des sources et n’entre jamais dans les discussions techniques à ce sujet. Il s’intéresse davantage au travail rédactionnel de Luc et montre comment celui-ci construit le récit de façon cohérente. On ne trouvera pas non plus de discussions très poussées sur l’historicité des paroles et des événements rapportés par Luc. Le commentateur suggère parfois que certains éléments rapportés par l’évangile ne sont pas historiques et qu’il s’agit davantage d’une forme de « midrash » ou de relecture faite par Luc. Néanmoins, il ne remet pas en cause l’historicité foncière des événements principaux. Ayant vécu en Israël, l’auteur peut aussi souligner la précision de Luc dans sa description des lieux du ministère de Jésus.
L’essentiel du commentaire est orienté vers l’interprétation générale du texte. Daniel Attinger sait rendre les lecteurs attentifs aux détails du texte. Pour les passages dont le sens est débattu, il présente généralement les interprétations concurrentes. Il convient de signaler qu’il opte parfois pour une compréhension relativement originale. Par exemple, lorsqu’il commente la parabole du « gérant habile » (Luc 16.1-8), il présente les interprétations majoritaires puis retient une explication plus originale qui identifie le maître à Dieu et son gérant (malhonnête !) à Jésus-Christ. La parabole illustrerait la manière dont la justice miséricordieuse de Dieu se manifeste : « Il n’y a qu’une manière de gérer la miséricorde de Dieu : il faut la dévaliser ou la dilapider, en la distribuant largement. Aux yeux de ce monde-ci, un tel comportement est scandaleux ; c’est une monumentale escroquerie ! » (p. 428).
Le titre du commentaire (« Le parcours de la bénédiction ») s’explique par une autre interprétation originale, cette fois de l’ensemble du troisième évangile. Le premier récit de l’évangile de Luc est celui de l’apparition d’un ange à Zacharie, alors que celui-ci officie dans le Temple (Luc 1.5-22). À sa sortie du sanctuaire, le prêtre Zacharie aurait normalement dû prononcer la bénédiction sur le peuple. Mais, rendu muet par Dieu, il n’en est pas capable. Selon Daniel Attinger, Luc aurait voulu par ce récit que la bénédiction divine est en suspens. Cette bénédiction sera finalement donnée, non plus par un prêtre dans le temple, mais par le Seigneur Jésus, à l’air libre, après sa résurrection (Luc 24.50-53). Entre ces deux épisodes, situés au tout début et à la toute fin de l’évangile, Luc raconte le « parcours de la bénédiction ».
Ce Commentaire de l’Évangile selon Luc se révèle agréable et facile à lire. L’analyse du texte est souvent stimulante, l’objectif avoué de Daniel Attinger étant que, à travers la lecture du texte de Luc, le lecteur puisse être interpellé par « la Parole vivante et vivifiante du Dieu de miséricorde » (p. 10). Ce commentaire sera utile à tous ceux qui souhaitent creuser et méditer le texte du troisième évangile, qu’ils soient de simples lecteurs réguliers de la Bible ou de ceux qui ont la charge de prêcher ou d’animer l’étude de la Bible en Église.
Timothée Minard