Manuel de la Bible hébraïque
Ceux qui ont un jour étudié sérieusement l’hébreu biblique possèdent généralement une « BHS », l’abréviation donnée à la dernière édition complète de la Biblia Hebraica. En attendant la publication de tous les fascicules de la BHQ qui, à terme, va supplanter la BHS, cette dernière reste l’édition de référence du texte hébreu de l’Ancien Testament. Elle est utilisée dans les facultés de théologie à travers le monde, par les traducteurs de la Bible et par tous ceux qui souhaitent étudier l’Ancien Testament à partir des langues originales. Si beaucoup l’utilisent, peu comprennent exactement le sens des différents signes qui ponctuent le texte. Que signifient donc ces lettres en hébreu (à moins que ce soit de l’araméen ?) situées dans la marge ? À quoi correspondent les abréviations latines et les symboles placés en bas de page ? Le Manuel de la Bible hébaïque répond à ces questions, et à bien d’autres encore.
Manuel de la Bible hébraïque : Biblia Hebraica Stuttgartensia (BHS) et Biblia Hebraica Quinta (BHQ)
Le Monde de la Bible n°78, Labor et Fides, 2023, 378 p., 25 €
Innocent Himbaza est professeur d’Ancien Testament et d’hébreu à l’Université de Fribourg (Suisse). Il est connu pour ses recherches et publications sur les manuscrits et la critique textuelle de l’Ancien Testament. Il est notamment l’éditeur du volume sur le Lévitique dans la nouvelle édition critique de référence de la Bible hébraïque, la Biblia Hebraica Quinta (BHQ). Ainsi, c’est en éminent spécialiste du sujet qu’Innocent Himbaza a rédigé le présent Manuel de la Bible hébraïque.
Innocent Himbaza
Le manuel se divise en trois grandes parties. La première (p. 15-78) est consacrée à la critique textuelle de l’Ancien Testament, la discipline qui s’intéresse aux manuscrits et à la transmission du texte. Cette partie permet de comprendre pourquoi il n’est pas si simple de réaliser une édition « critique » du texte de la Bible hébraïque. L’auteur nous introduit dans les coulisses, rapportant les dilemmes auxquels font face les éditeurs ainsi que les raisons des choix qui sont en arrière-plan de la Biblia Hebraica. Il explique pourquoi les éditeurs ont renoncé à éditer un texte éclectique « reconstitué » (comme c’est le cas pour le Nouveau Testemant grec) et ont préféré éditer le texte d’un seul manuscrit, le Codex de Leningrad, tout en reportant en notes les variantes trouvées dans les autres manuscrits et les versions anciennes.
La deuxième partie (p. 79-227), intitulée « Du manuscrit à l’édition », permet de comprendre d’où viennent les différents éléments que l’on retrouve sur une page de la Biblia Hebraica. Puisque la BHS et la BHQ reproduisent le manuscrit de Leningrad, l’auteur consacre un long chapitre à la présentation de ce manuscrit (ch. 6). Il explique quelles sont les sources de ce manuscrit, quelles sont ses caractéristiques spécifiques et à quoi correspondent les annotations en marge. Le manuscrit de Leningrad copie un texte dit « massorétique », c’est-à-dire une forme du texte hébreu largement annotée par des érudits juifs de la fin de l’antiquité, les « massorètes ». Il fallait donc que l’auteur présente également les caractéristiques du « texte massorétique » (ch. 5). L’auteur explique comment, au fil de la transmission, on est passé d’un texte hébreu uniquement composé de consonnes à un « texte massorétique » vocalisé, ponctué et accompagné de notes marginales (la « massore »). On apprend, par exemple, que la majorité des notes de la massore sont en araméen, et non en hébreu ; ou que les statistiques fournies par les massorètes (nombre d’occurrence de tel mot ou de telle expression) ne sont pas toujours très fiables. Cette deuxième partie s’achève sur un chapitre (ch. 7) qui présente et compare les spécificités des deux dernières éditions de la Biblia Hebraica : la BHS, complète mais datant d’un demi-siècle ; et la BHQ, incomplète mais dont les premiers volumes, publiés ces dernières années, sont plus à jour des discussions et découvertes récentes (comme les manuscrits de la mer Morte).
La troisième partie du Manuel (p. 231-338) est un glossaire inédit qui permettra aux utilisateurs de la BHS et de la BHQ d’enfin comprendre ce que signifient les diverses abréviations situées en marge et en bas de page de ces éditions ! Après une présentation de la terminologie générale (ch. 8), on trouve un « glossaire de la massore du manuscrit de Leningrad, BHS, BHQ » (ch. 9). Ce glossaire liste, dans l’ordre l’alphabétique, toutes les abréviations et expressions en araméen et en hébreu que l’on trouve dans la marge et qui correspondent aux annotations massorétiques. Pour chaque entrée, Innocent Himbaza fournit la traduction française et une courte explication si besoin. Les deux derniers chapitres proposent un glossaire de l’apparat critique de la BHS (ch. 10) puis de la BHQ (ch. 11) : tous les symboles, les sigles et abréviations sont explicités ou traduits en français.
L’ouvrage est bien documenté et renvoie à une bibliographie abondante et à jour. Le propos est, par endroit, particulièrement technique mais l’auteur agrémente son propos de nombreux exemples qui facilitent la compréhension. On peut se demander si, à vouloir être trop exhaustif, l’auteur ne va pas trop loin dans ses explications détaillées concernant les annotations massorétiques. De telles précisions sont utiles dans des articles scientifiques mais pas forcément adaptées au format d’un « manuel ». Sur le style, on peut regretter certaines répétitions et certaines lourdeurs.
Malgré ces petits défauts, il fait nul doute que le Manuel de la Bible hébraïque va rapidement s’imposer comme la « bible » au sujet de la Biblia Hebraica : on y trouve toutes les informations pour mieux comprendre cette édition de référence du texte de l’Ancien Testament et en faire un meilleur usage.