Accompagnement spirituel des personnes en fin de vie
Labor et Fides – 220 pages - 21 euros
Hans Küng a défendu le concept de «mort heureuse» dans son dernier ouvrage pour promouvoir la cause de l’euthanasie. Le choix même de ce titre provocateur montre que, dans notre société désenchantée, la mort n’est pas heureuse. L’évocation des conditions de la fin de vie constitue encore une «zone interdite», tant la mort elle-même, notamment lorsqu’elle n’est pas spectaculaire, est refoulée en dehors de l’espace privé (le logement familial) comme de l’espace public (l’Eglise, le cimetière…); tant les questions du salut et de l’au-delà ont, y compris chez les croyants, perdu leur impact concret ou sacré; et tant la solitude voire l’isolement deviennent la règle, notamment pour ceux qui sont en mauvaise santé.
Les Églises font-elles exception? L’accompagnement constitue depuis longtemps une de leurs missions fondamentales. Il s’adresse particulièrement aux personnes âgées, aux malades, aux personnes isolées. Il faut ajouter l’intervention des aumôneries dans les hôpitaux ou les maisons de retraite. Mais les cadres de solidarité anciens, comme la solidarité familiale, s’étiolent, alors que les rites traditionnels, qu’ils soient religieux ou laïques, se marginalisent.
C’est pourquoi il est important de faire le point sur cette question complexe, en examinant ses différentes facettes.
C’est le thème de ce livre «collectif», qui se présente ouvrage de «témoignages et réflexions», et qui se veut d’abord interdisciplinaire puisqu’il associe les contributions de sociologues, d’aumôniers, de médecins et de théologiens. Il comprend des états des lieux (sur les soins palliatifs par exemple), des analyses, des portraits et des témoignages; il traite certes de la situation en France mais aussi aux Pays-Bas, en Allemagne, aux États-Unis, principalement en milieu protestant. Il distingue clairement le champ du spirituel, adapté aux personnes en recherche ou aux agnostiques s’interrogeant sur le sens de la vie, et le champ du religieux pour les croyants engagés dans l’existence d’un «au-delà».
Avec une telle ambition, l’ouvrage aurait pu devenir un traité à vocation «scientifique» ou pédagogique . Il constitue en fait une série d’approches brèves et synthétiques. Il n’a pu intégrer les derniers développements de l’actualité. On aurait par exemple apprécié une analyse du projet de loi LEONETTI-CLAES en fin de discussion au Parlement, qui devrait bientôt constituer une étape supplémentaire par rapport à la loi LEONETTI de 2005.
Le livre fait une large place aux enjeux théologiques (cette partie, la dernière de l’ouvrage, est particulièrement réussie, notamment les développements sur le sens de la bénédiction à l’approche de la mort). Mais son intérêt réside aussi dans les descriptions concrètes de tranches de (fin de) vie comme dans les points de vue de praticiens de santé.
L’impact pour le lecteur de cette diversité d’approches en est notablement accru. Il ne sort pas indemne d’une telle lecture. Il s’est notamment armé pour affronter ce qui va se produire tôt ou tard, pour ses proches, ses amis, lui-même. Que la mort à laquelle il a fait face pour son prochain il y a plus ou moins longtemps, de manière plus ou moins fréquente, ait été vécue comme un drame absolu et scandaleux ou comme une issue inéluctable liée à l’âge, la lecture attentive de ce traité permet de mieux saisir les différents enjeux de l’accompagnement et ceux de la fin de vie.
Alain Joubert