Juifs et Protestants

Une Fraternité exigeante

(sous la direction de Jean-Charles Tenreiro)

Éditions Olivetan – 381 pages -25,00 €




«Juifs et Protestants» est un ouvrage collectif préparé par des spécialistes de la Bible, de l’histoire, des dialogues inter-religieux et des relations internationales. Ce livre est indispensable pour saisir avec intelligence toutes les interfaces que dévoile son intitulé. Il ne se réduit pas aux juifs et aux protestants, il est universel.

Il comporte quatre grandes parties: les jalons bibliques, les dialogues entre Juifs et chrétiens, les relations entre Juifs et protestants en France et enfin, les questions politiques autour de l’Etat d’Israël.

juifs et protestants

Chez les protestants, Israël résonne intimement. Le peuple protestant français s’est beaucoup identifié à l’Israël de l’Ancien Testament, tout particulièrement en période de persécution. La création de l’État d’Israël a été vécue par un grand nombre comme un événement à résonnances spirituelles.

La nouvelle alliance repose sur la fidélité de Dieu. Le judaïsme de Jésus abolit les frontières et rejette toute ségrégation. C’est un judaïsme déterritorialisé. Depuis 1948, Israël est un État, le seul où la population est majoritairement juive. Cependant, il est important de ne pas faire l’amalgame entre État d’Israël et peuple d’Israël puisque seulement 3 millions de juifs sont citoyens israéliens.

Il ne fait guère de doute que le judaïsme est né quelques temps après la destruction de Jérusalem en 587 avant notre ère, dans un contexte de crise.

Derrière l’alternative Pentateuque ou Hexateuque se cache un enjeu théologique majeur. Il s’agit de savoir ce qui se trouve au centre de la foi et de l’identité d’Israël: la Loi ou le pays.

La Fédération Protestante de France a créé en 1947, après la deuxième guerre mondiale, une commission Église et peuple d’Israël qui en 1996 deviendra Chrétiens et Juifs. Elle adressa en 1961 un vœu au COE pour lui demander de rappeler et de préciser sa condamnation de l’antisémitisme. À l’issue de la guerre des six jours, la FPF a rappelé qu’il n’y a pas de lieux saints pour les Églises de la Réforme mais a considéré que l’intérêt manifesté par les catholiques, juifs et musulmans pour les divers lieux «saints» de Palestine pourrait constituer un facteur de paix pour le Proche-Orient si toutes les parties en cause pouvaient accepter un traité international garantissant à tous le libre accès de ces lieux saints.


Juifs et protestans

Il est apparu indispensable aux protestants d’éviter de rabaisser le judaïsme biblique dans le but d’exalter le christianisme. Se souvenir que la mère de Jésus était juive. Rappeler que la Shoah, soit l’anéantissement de quelques six millions d’être humains, le tiers du peuple juif, a pris toute son horreur dans l’idéologie pseudo-religieuse pour éliminer l’identification du peuple élu.

L’Église chrétienne face au massacre des innocents doit se considérer en position de dépendance plutôt que de domination. Pourquoi Dieu a-t-il permis ce crime? Les juifs récusent toute justification de la Shoah. Ni une explication humaine, ni une explication divine ne sauraient rendre raison de l’irrationnel du génocide. Le problème des relations entre chrétiens et juifs vient de ce que les premiers ont conçu l’Église comme une nouvel Israël, remplaçant et annulant l’ancien, et non comme une communauté foncièrement hétérogène avec celle de la première alliance.

Sont abordés dans cet ouvrage, l’histoire du protestantisme depuis sa création et la position de Luther qui manifesta sur le tard un antijudaïsme radical, qui fut, il faut le dire, un appel au crime. (n.r. - Voir sur ce thème l'ouvrage Martin Luther - Des juifs et de leurs mensonges (1543))

Calvin, quant à lui, se démarquera et prendra position au plan du Salut de Dieu.

Il y a eu l’avant-guerre et l’après-guerre.

Depuis la deuxième guerre mondiale, l’attitude des Églises a profondément changé et a rompu avec l’antijudaïsme. Les églises issues de la Réforme se sont engagées dans ce processus de révision de l’après-guerre même si cet engagement est souvent méconnu.

Le texte Église et Israël de la Concorde de Leuenberg, publié en 2000, a tenté, de façon théologique, de présenter la manière dont les Églises issues de la Réforme, voyaient la relation entre le protestantisme classique et le judaïsme. Il s’inscrit dans les réflexions du monde protestant, les récapitule et tente d’en tirer les conséquences pour la théologie protestante d’aujourd’hui. Il a le mérite d’exprimer d’une seule voix les positions des Églises issues de la Réforme en Europe.

Les huguenots sont très hostiles à toute forme d’antisémitisme. Ils ont été opprimés ensemble par la monarchie et l’Église catholique romaine. Ils ont été libérés ensemble par la Révolution. Ils sont attachés les uns et les autres à la IIIe République qui leur assure l’égalité politique. Enfin, il y a des affinités religieuses entre protestants et juifs. Les juifs ne pratiquent pas le culte des saints, ils ne font pas de procession, ils ne croient pas au purgatoire, il n’y a pas de pape. Pasteurs et rabbins jouent un peu le même rôle dans leur communauté. Ce sont des conseillers et des intermédiaires entre Dieu et les hommes. Ils lisent l’Ancien Testament et chantent des Psaumes.

Il n’y a chez eux aucune accusation de «déicide», les catéchismes ne disent pas que les Juifs ont tué le Christ mais que c’est le péché de l’humanité qui est responsable de sa mort.

Une importante bibliographie thématique vient compléter et enrichir toutes les problématiques qui sont abordées dans ce livre – à lire et à relire.


Élisabeth Loussaut





Illustration : "Le prêche au Désert", toile du peintre protestant Max Leenhardt, conservée au musée du Désert.