PRÉSENTATION

Voici un bref panorama de quelques outils couramment utilisés par les spécialistes. Ces outils constituent une autre façon de comprendre la Bible, distincte de l’approche principielle dont nous parlerons lors d’un prochain article. Ils entrent dans une démarche d’investigation du texte appelée «critique». Ce terme est ici à considérer non dans le sens de scepticisme mais d’une analyse scientifique et méthodique. Il s’agit ici en quelque sorte d’avoir une lecture «savante» de la Bible et ainsi de mieux comprendre la Bible ou tout au moins de la comprendre d'une manière différente. La plupart de ces outils appartiennent à la méthode historico-critique. Comme son nom l’indique, cette méthode présente deux caractéristiques principales qui en font sa spécificité :

L’aspect historique: le lecteur utilisant cette approche étudie le contexte historique dans lequel est enraciné un texte ancien; il se penche aussi sur les processus historiques de production de celui-ci.

L’aspect critique: le lecteur opère à l’aide de critères scientifiques aussi objectifs que possibles, avec les mêmes outils d’interprétation que pour n’importe quelle œuvre littéraire. La raison sert de guide.

Envisager le texte de façon critique revient à le soumettre à différents outils que nous présentons ici, d’une manière assez succincte, alors que chacun de ces outils représente en soi un champ d’investigation immense. Ces approches sont tout à fait praticables simultanément sur le texte. Toutefois, elles demandent chacune des compétences tellement pointues qu’il est très difficile de les pratiquer sans formation ou sans recours à des ouvrages spécifiques de spécialistes.

Ces outils d’une lecture critique de la Bible sont autant de ressources précieuses permettant aux spécialistes de mieux comprendre la Bible et les textes bibliques.


La Bible


LES DIFFÉRENTS OUTILS D’UNE LECTURE CRITIQUE

Les trois premiers dépendent directement de la méthode historico-critique alors que les derniers relèvent d’une orientation sensiblement différente.

1. La critique textuelle

Pratiquée depuis longtemps et utilisée par la grande majorité des exégètes de toutes dénominations, cet outil vise à établir le texte le plus en conformité possible avec l’original. Pour cela, les spécialistes comparent les différents «témoins» du texte: les manuscrits (sur papyrus ou parchemins); les anciennes versions de la Bible (arménienne, éthiopienne, Septante, syriaque…); les citations de ces textes faites par les auteurs anciens, notamment les Pères de l’Église. Car nous ne disposons d’aucun original des textes bibliques. Les manuscrits les plus anciens du texte biblique que l’on ait découverts et comprenant quasiment la Bible en entier, ne remontent qu’au IVe siècle de notre ère. Lorsqu’on compare l’ensemble de ces témoins de textes bibliques découverts en différents endroits et datant de périodes très échelonnées, on constate qu’il existe des divergences entre eux. L’objet de la critique textuelle, face à une différence entre les manuscrits, est d’établir, par un travail de comparaison et suivant des règles précises, la variante (le terme technique est «la leçon») qui semble être la plus fidèle à l’original.

La plupart de ces variantes entre manuscrits sont de simples erreurs de copistes, des mots répétés ou omis, voire des lignes sautées ou doublées, des lettres se ressemblant, confondues. Parfois il s’agit aussi de corrections délibérées du copiste assez faciles à repérer. Ces variantes ne portent la plupart du temps pas à conséquence et il est possible dans bon nombre de cas de se faire une idée assez juste de ce qu’a pu être le texte original. D’ailleurs les traductions de la Bible que nous utilisons couramment s’appuient grosso modo sur le même texte hébraïque ou grec. Mais il existe encore des passages où les discussions se poursuivent et où il est difficile de trancher.


Rouleau de Qumran

LES LIMITES DE CES OUTILS CRITIQUES

Si les bénéfices de tous ces outils critiques sont certains, ils présentent également des faiblesses. La lecture critique présente le défaut de sa qualité: si elle excelle dans la connaissance de l’aspect humain de la révélation, elle a en revanche tendance à réduire le texte biblique à cette dimension. Elle oublie parfois l’aspect révélationnel des Écritures, en considérant la Bible comme n’importe quel autre livre étudiable. Or on ne dissèque pas un cadavre comme on opère un homme vivant ! Selon que l’on considère la Bible comme parole vivante ou comme recueil de textes anciens à étudier, l’approche et les résultats ne seront pas identiques.

Le risque de la démarche critique serait de trouver le miraculeux plutôt suspect et de vouloir trouver à tout prix une explication rationnelle à tout événement biblique. Ce n’est plus alors l’étude de la révélation, mais une reconstruction en des termes «acceptables».

De plus, ces grilles de lecture ont tendance à être peu sensibles aux questions d’actualisation du texte. Toute l’attention se porte sur l’origine, la forme, le contexte du texte et moins sur le sens voulu pour nous aujourd’hui.

Ce danger d’une certaine stérilité ou sécheresse se fait d’autant plus ressentir que la plupart de ces outils sont assez complexes à manier. Les résultats demandent une grande expertise pour être compris et le danger est de sombrer dans des débats de spécialistes auquel le lecteur de la Bible n’est pas en mesure d’avoir accès.

Pour finir, un dernier défaut de ces lectures serait la tendance de chaque outil mentionné de vouloir être appliqué sur tous les textes en toutes occasions. Par exemple il serait inapproprié de vouloir à tout prix chercher une explication psychanalytique à chaque fait et geste rapporté dans la Bible même si cette grille de lecture apporte des éclairages importants pour certains textes particuliers. De même, tous les textes ne peuvent être étudiés du point de vue de la rhétorique ou de la narratologie. L’utilisation d’un de ces outils ne doit pas pencher vers l’exclusivisme et empêcher le recours aux autres outils.

En bref

Une lecture uniquement scientifique du texte biblique risquerait de passer à côté de l’essentiel: nourrir la foi et la vie du lecteur. Toutefois, en dépit de certaines limites présentées ici, un rejet des outils d’une lecture critique serait une erreur dommageable pour comprendre les Écritures. Le lecteur-chercheur est donc invité à développer une lecture critique du texte, en donnant à ce terme son sens premier: le souci de prendre au sérieux les textes.

Extrait de 10 clés pour comprendre la Bible, Valérie Duval-Poujol, Empreinte temps présent.