Jacques Blandenier est un passionné d'Histoire de l'Eglise. Avec cet ouvrage, il nous fait revivre une page de l'histoire du protestantisme passionnante. A ce jour il n'existait pas de biographies en français pour le grand public du réformateur Martin Bucer. 

 

On peut donc remercier les éditeurs Je sème et Excelsis de combler enfin cette lacune car M. Bucer (1491-1551) est le grand oublié des figures de la première génération de réformateurs. 

 

J. Blandenier nous retrace la vie de ce théologien en donnant non seulement des indications historiques sur sa vie, la situation de la ville de Strasbourg et le contexte religieux du début du XVIème siècle, mais aussi des analyses des grands textes du réformateur. Pour cela, J. Blandenier bénéficie de l'apport d'éminents spécialistes, H. Strohl, M. Greshat, G. Hamman qui ont traduit et publié des textes du réformateur. 

 

 

Martin Bucer, Une contribution originale à la Réforme

Jacques Blandenier

Coédition Je Sème/ Excelsis

216 pages

février 2020

12€

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Ce livre est très accessible, certes il s'attache à une personnalité peu connue des protestants mais il n'est pas truffé de notes érudites qui perdent parfois le lecteur en d'inutiles considérations. Par contre et cela est un vrai plaisir, il y a de nombreux textes de Bucer, correspondances ou traités, qui illustrent parfaitement sa pensée. 

 

  

J. Blandenier nous fait revivre ce que furent les conditions de travail de ces théologiens du XVIème siècle qui comme tous les humanistes de cette époque travaillaient inlassablement à l'écriture de traités de théologie, de sermons, de traductions de la Bible et arrivaient en dépit de tout ce labeur à voyager et à correspondre avec de nombreuses personnalités dans toute l'Europe, tout cela en s'éclairant à la bougie.

 

Ces hommes tel que Bucer, se sont littéralement tués à la tâche, ils ont pris leur responsabilité avec une audace incroyable.

J. Blandenier tout en finesse nous montre la personnalité de Bucer qui fut un ardent défenseur des vérités évangéliques tout en cherchant l'unité de l'église, que ce soit avec les anabaptistes, dans la querelle sur la Ste Cène entre Luther et Zwingli au colloque de Marbourg en 1529, ou même avec les représentants du catholicisme aux colloques qui se déroulèrent entre 1539 et 1541.

Ce trait de caractère lui valut en définitive l'incompréhension de beaucoup quand ce ne fut pas la colère de Luther.

Le livre de J. Blandenier a le mérite de nous donner les points principaux de l'apport théologique de Bucer à ce grand mouvement religieux qui traversa l'Europe entière : son ecclésiologie qui privilégie la diversité des ministères et qui influença Calvin lors de son séjour à Strasbourg entre 1538 et 1541 (les chapitres 9 et 10) ; la création de petits groupements de chrétiens à l'intérieur des paroisses, les fameuses ecclesiolae in ecclesia (chapitre 14) ; le lien étroit entre la doctrine de la justification par la foi et les œuvres notamment l'amour du prochain, ce thème revient assez souvent dans le parcours de la vie de Bucer (chapitre 11).

Aux pages 203 à 205 l'auteur donne toute une liste de thèmes développés par Bucer et "des valeurs dont nous bénéficions même si nous n'en connaissons pas l'origine" (p. 203)  

 

A la lecture de ce livre je n'ai pu m'empêcher de voir en Bucer la figure du prophète Jérémie. En effet J. Blandenier en retraçant la fin difficile que fut la vie de Bucer - puisqu'il fut expulsé de la ville de Strasbourg suite à la décision du conseil de la ville de mettre en œuvre l'intérim d'Augsbourg (1547), lui qui avait tant contribué à l'expansion de l'évangile dans cette ville - nous montre que l'essentiel pour un témoin de l'évangile ne réside pas dans le "succès" ou les résultats visibles mais dans la fidélité à la mission confiée par le maître.

Bucer se réfugia en Angleterre pour y finir ses jours. Marie Tudor fit même exhumer ses ossements cinq ans après sa mort pour les brûler et les répandre dans la Tamise. Il tomba dans l'oubli puisque c'est seulement dans la deuxième moitié du XXème siècle qu'on va réellement s'intéresser à lui en commençant à traduire et à publier ses œuvres (à ce jour une vingtaine de titres). 

 

 

Martin Bucer, un docteur de l'Eglise ?

  

Certainement, mais surtout un fidèle disciple de Christ, raison pour laquelle "Il vaut vraiment la peine de savoir l'écouter encore aujourd'hui" (p. 205).

 

 

Thierry Rouquet