La nuit de feu

Éric-Emmanuel Schmitt

Albin Michel – 192 p. – 16 €




Voici un livre qui réjouira les croyants et renforcera leur conviction que la transcendance peut illuminer nos existences, bouleverser nos certitudes et s’inviter dans nos vies quotidiennes; que la subjectivité d’une expérience mystique – dont l’interprétation jamais définitive que l’on peut en faire – exprime une certaine réalité et une vérité subtile.


La nuit de feu



À mi-chemin entre récit de voyage et autobiographie spirituelle, cet ouvrage de lecture agréable, aborde un phénomène complexe et passionnant: le long cheminement d’une conscience qui s’interroge et l’aboutissement d’une quête de sens face au vide de l’existence et au sentiment d’inadéquation entre le Soi profond et l’image de soi: Quelque part mon vrai visage m’attend.

C’est au cours d’un voyage à Tamanrasset, en pays Targui, il y a plus de 20 ans, que l’auteur va vivre une expérience spirituelle qui marquera profondément son existence. Il est alors sur les traces de Charles de Foucault, sur lequel il prépare un film.

Nous le voyons tout d’abord trouver difficilement ses marques au milieu d’un groupe de touristes mais aussi se sentir pleinement à l’aise avec le guide touareg qui ne parle pourtant que le tamajaq. Nous le suivons dans la vie de ce groupe disparate, avec ses singularités, ses enjeux de pouvoir, où chacun cherche sa place en s’ajustant ou se confrontant aux autres. C’est aussi pour l’auteur la découverte d’un monde inconnu…

Le narrateur abandonne peu à peu ses réticences, sa distance vis-à-vis de l’autre, si différent, son enfermement aussi – étapes préalables au lâcher prise et opportunité d’une nouvelle découverte de soi et du Tout autre. Je n’avais pas débarqué dans un pays inconnu, j’avais atterri dans une promesse.

Le récit est intime, empreint d’honnêteté, tout en sensibilité et en profondeur. La forme de témoignage n’enlève rien à la qualité de l’écriture et à la profondeur de la réflexion. Il reste à bonne distance de tout prosélytisme. Véritable ouvrage de sagesse, il conjugue poésiephilosophie et spiritualité.

La nuit de feu

Dans un regard tour à tour orienté vers soi et vers un au-delà de soi, le narrateur chemine jusqu’à l’illumination, la révélation. On comprend alors les prémisses de cette expérience: un événement personnel qui s’ancre dans la prime enfance, une crise de sens, un environnement favorable, des rencontres fructueuses puis enfin la confiance, l’apaisement, la certitude, la béatitude, la joie.

L’auteur conclut sur une leçon de tolérance, une mise en garde contre toute forme d’intégrisme.

Il y est question de certitudes trop affirmée (croyantes ou athées) qui viennent exprimer le refoulement de l’angoisse. Une esquive du « courage d’être» dont parle Paul Tillich. …ils se cramponnaient à des solutions simples; croire, ne pas croire, montrant un appétit suspect d’opinion catégorique. Ni l’un ni l’autre ne supportait le cheminement, le doute, l’interrogation. En affirmant leur choix, ils ne voulaient pas penser mais en finir avec la pensée. Ils ne désiraient qu’une chose: se délivrer du questionnement. Un souffle de mort figeait leur esprit.

Ce livre est toutefois, essentiellement, un témoignage de conversion, …d’un coup j’appréhende la totalité… une certitude brille au-dessus de tout: il existe, enrichi d’une réflexion philosophique sur l’existence de Dieu: L’absence de preuve n’apporte pas la preuve de l’absence.

Un livre à lire et à offrir, une invitation à l’éveil, à la surprise d’une rencontre, à la découverte de Dieu.


Denis Guillaume