Les victorieuses
C'est Le roman emblématique de cet été, celui dont tous les sites littéraires parlent car son sujet est original : retracer en parallèle le parcours de deux femmes ayant un lien avec le Palais de la femme, lieu crée à Paris par l'Armée du Salut, mais à deux époques différentes.
Le Palais de la femme est un foyer pour femmes démunies géré par cette oeuvre chrétienne plus que centenaire. Il s'agit aussi d'un lieu emblématique du Paris solidaire, caractérisé par son architecture Art Déco des années 1920.
Laetitia Colombani
Editions Grasset
2019
224 pages
18€
Le résumé :
Solène a 40 ans. Avocate aisée à qui tout réussissait en apparence mais à qui le matérialisme n’a pas réussi à donner un sens à sa vie. Après le suicide de l’un de ses clients sous ses yeux, c’est la dégringolade physique et morale.
Le burn-out qui couvait depuis quelques temps lui tombe dessus sans crier gare : les cachets la maintiennent à flots mais elle est incapable de travailler et prend conscience de tout ce qu’elle a sacrifié : son réseau d’amis, son envie de maternité…
Pour sortir de sa dépression, elle se tourne vers le bénévolat en tant qu’écrivain public au sein du Palais de la Femme.
Le palais de la Femme, ce foyer pour femmes en difficulté va s’avérer être son refuge. C’est comme cela que le concevait Blanche Peyron, la deuxième femme décrite dans ce roman. C'est ici que le roman rejoint la fiction.
Officière de l’armée du Salut, c'est en 1925 qu'elle se lance avec tout son cœur dans une vaste collecte de fonds nationale avec son mari Albin. Ils ont sollicité toutes les élites du pays : des industriels au président de la République pour financer un ancien hôpital de guerre qui pourrait mettre à l’abri de la misère plus de 700 femmes seules ou avec enfants. Le Palais de la femme fêtera d'ailleurs bientôt son centenaire.
Ce roman croise les trajectoires de ces deux femmes : l’une était fille de pasteur et officière de l’armée du Salut en 1925, l’autre avocate parisienne contemporaine des attentats de novembre 2015, dont les balles ont éraflés la façade du Palais de la femme quand le bar La belle équipe a été pris pour cible.
Le couple Peyron, photographie reproduite du blog de Sébastien Fath
On peut regretter un esprit "tendance" du livre qui joue sur l’aspect feel good : une jeune femme brillante à qui tout réussit et qui découvre que la vie est vaine si on sacrifie l’amour, l’attention aux autres sur l’autel de l’argent, la carrière et la réussite sociale.
Le thème du changement de vie ou de carrière est assez classique dans ce type de romans feel good. Ici Solène n’ouvre pas un restaurant, une librairie ou un magasin de fleurs pour se sentir plus proche des gens. Non, elle devient écrivain public pour femmes en détresse et c’est cette fibre humaniste que j’ai apprécié alors que ce n’était pas gagné du tout.
C’est un roman réaliste très contemporain qui fait la part belle à une galerie de portraits de femmes en détresse : Cvetlana, Cynthia, Viviane, Binta et sa petite fille, La Renée, Lily… Elles sont de toutes origines : Parisiennes ou provinciales, Africaines ou encore exilée des Balkans, mais chacune a vécu les abus comme le viol, les violences conjugales, la misère et le dénuement…
Même si ses portraits psychologiques sont parfois superficiels et caricaturaux, il faut saluer le mérite de Laetitia Colombani d’avoir choisi comme héroïne une femme qui prêche l’ Évangile dans les rues de Paris aux plus démunis. Car, dans l’esprit de la société moderne, une officière de l’Armée du salut n’apparait pas aussi "bankable" qu’une instagrameuse en vue, une chanteuse ou bien une vedette éphémère de télé réalité.
L’action sociale de Blanche Peyron est remarquablement mise en valeur et on pourrait même suggérer aux éditions Olivétan de lui consacrer une biographie dans la collection Figures protestantes.
Je vous conseille d'ailleurs un livre : William Booth, soupe savon, salut dans la collection de qualité Les héros de la foi, éditée par Jeunesse en mission. Ce sont des biographies de protestants célèbres qui ont marqués l’Histoire par leur engagement chrétien : Frère André, C.S Lewis, Corrie Ten Boom, Eric Lidell… Dans ce livre sur William Booth, vous en apprendrez plus sur l'Armée du Salut et son créateur.
Même si je n'ai pas complétement adhéré au style littéraire de Laetitia Colombani qui abuse parfois de la métaphore du Palais et de ses princesses, j’ai été touchée par cette histoire.
Le Palais de la femme et l’Armée du Salut ont été présentés avec beaucoup de respect et d’authenticité. Si la lecture de ce roman aide à lever des fonds, des dons et des vocations de bénévoles à grande échelle alors bravo à l’auteure !
Margot Dimitrov