LE VERTIGE DE L’EUROPE

OlIvier ABEL

Editions Labor et Fidès, avril 2019

200 pages - 18 € -







Professeur de philosophie et d’éthique à la faculté de théologie protestante de Montpellier, Olivier Abel s’intéresse depuis longtemps aux mutations du théologico-politique selon les grandes aires cultuelles. Un espace civilisationnel le passionne particulièrement : l ’Europe.

 

Pour lui qui est profondément européen, l’Europe est une question de philosophie, une interrogation sur la difficile rencontre de ses cultures dans leur diversité.

 

Dans son dernier ouvrage, « Le vertige de l’Europe », publié aux Editions Labor et Fidès, Olivier Abel craint que l’Europe soit au bord de l’effondrement. Comme saisi de vertige, il interprète symboliquement le drapeau européen - la disposition en cercle autour d’un vide central- et s’interroge : ce vide peut-il devenir un néant, un trou noir aspirant la pluralité et la diversité des étoiles ?

 
La question traitée dans le livre n’est donc pas celle de la construction européenne mais celle de son identité.

 

L’auteur n’entend pas rouvrir le débat sur les racines chrétiennes de l’Europe (débat qu’il juge d’ailleurs mal posé car la foi transcende justement les racines et les identités). Il souhaite avant tout que l’Europe retrouve un rapport vivant à la diversité de ses nombreuses sources et traditions.


 

Olivier Abel emprunte à Paul Ricœur les notions d’ethos (une singularité du peuple européen qui est un pouvoir de création lié à ses traditions et à sa mémoire) et de « noyau éthico-mythique » des cultures européennes (des racines qui donnent une manière d’habiter le monde et d’exister).


 
Le chapitre 2 est consacré à cet ethos européen. Olivier Abel invite le lecteur à faire mémoire de toutes les sources de l’Europe. Et à contempler sur le drapeau européen cette diversité des traditions créatrices faisant cercle à équidistance d’un centre vide. Car, au côté de la Bible figurent les héritages romains et grecs, mais aussi les traditions nordiques et celtes, les legs des peuples germaniques et des ibères, etc….

 
Cependant, le regard de l’auteur sur l’Europe est empreint d’inquiétudes, comme l’expriment les titres de plusieurs chapitres :

  • « L’Europe au bord du vide » car elle est traversée par tant de crises (chapitre 1),

  • « Le fracas de l’Europe » car au XXème siècle, elle s’est détruite avec les guerres, les totalitarismes et l’effondrement du rêve colonial (chapitre 3)

  • « La dangereuse faiblesse de l’Europe » parce qu’elle ne sait pas définir ses frontières comme le montrent ses débats sur les questions migratoires ou son attitude vis-à-vis de la Turquie. (chapitre 4).

 

Pour Olivier Abel, la vraie question de fond reste souvent la question religieuse : « l’Europe ne veut pas le reconnaître mais elle se comporte comme un club chrétien ! »

 

 
L’Europe n’est pourtant pas finie…. Olivier Abel prône le retour du questionnement partagé dans tous les domaines et creuse l’idée d’une identité interrogative.

 

Les deux derniers chapitres du livre ouvrent de nombreuses pistes de réflexion. L’auteur propose de repenser l’Europe comme une communauté tout en acceptant une identité différentielle et des pluralismes.

 

L’essai d’Olivier Abel résonne avec l’actualité. Sa grande richesse en fait un ouvrage passionnant. Les références aux écrits et aux travaux d’autres penseurs sont nombreuses.

Le style est direct, et la lecture fort agréable.

C’est un ouvrage qui permet de rêver à une Europe encore inimaginable.….


 
Brigitte EVRARD



Photo by Waldemar Brandt on Unsplash