Populisme et religion : une alliance contre-nature
L’ALLIANCE CONTRE-NATURE
Quand les religions nourrissent le populisme
Christian DELAHAYE
Editions Empreinte Temps Présent, 2018
174 pages – 18 €
Phénomène planétaire aux formes multiples, le populisme s’enracine partout, chez les chrétiens comme chez les musulmans ou les tenants d’autres croyances.
Surgit alors cette question : comment des religions qui prêchent l’amour du prochain, fut-il un ennemi, peuvent-elles soutenir des populismes qui défendent trop souvent l’exclusion et parfois même la haine ?
Christian DELAHAYE, journaliste et théologien catholique, tente d’y répondre dans « L’alliance contre-nature », essai paru aux Editions Empreinte Temps Présent. Son objectif est de compléter les études sociétales et politiques sur le populisme dit chrétien en intégrant la dimension religieuse.
Dans la première partie du livre, l’auteur cerne les liens entre religion et populisme. Il plonge aux racines du populisme moderne, né à la fin du XIXème siècle. Puis il parcourt le monde des populismes actuels. Il analyse le Brexit, l’élection de Donald Trump et les élections présidentielles françaises de 2017.
Ce détour par l’histoire, la comparaison avec d’autres sociétés et l’actualité politique permet au lecteur de s’imprégner des thèmes des mouvements populistes et des comportements de leurs leaders.
Dans son style vif, l’auteur va à l’essentiel. De nombreuses références philosophiques et théologiques viennent ensuite en appui de son exposé qui ne perd cependant pas sa clarté.
Pour lui, le basculement politique mondial actuel vers le populisme coïncide avec le retour d’un religieux insidieux, perverti et dévoyé. Les populismes s’approprient les codes religieux. Ils se servent de la religion comme marqueur identitaire. Ce qui compte, c’est l’appartenance et non la croyance ; et donc pour les chrétiens, la chrétienté et non le christianisme.
Dans la deuxième partie de l’ouvrage, Christian DELAHAYE examine les Ecritures et s’interroge : Jésus ne serait-il pas un leader populiste malgré lui ? Pour en conclure que le populisme ne repose sur aucune base scripturaire et trahit les enseignements de l’Ancien comme du Nouveau Testament. Pour démontrer que mêler Jésus au populisme (même quand par exemple il s’en prend aux élites religieuses) est une erreur, voire une horreur.
Ces développements permettent au lecteur de repérer le dévoiement des écrits bibliques.
L’Eglise naissante a incontestablement des fondements universalistes.
L’analyse historique proposée par l’auteur dans la dernière partie de son livre est plus sombre.
Il y décrit la première période populiste du christianisme, du IVème siècle (le catholicisme devient religion d’Etat) aux bouleversements résultant du concile Vatican II en 1962-1965. Il identifie alors une seconde période populiste marquée par le retour de la hiérarchie cléricale et un positionnement de l’Eglise axé sur les questions de la sexualité et des mœurs.
Un public populaire adhère aujourd’hui à une religiosité bien éloignée des fondamentaux de l’Evangile. L’auteur s’interroge en conclusion sur les défis lancés par ce populisme chrétien et sur les risques d’un choc des civilisations.
Ce livre s’adresse à un large public. Il est à tous points de vue d’une actualité brulante. A lire et à recommander.
Brigitte EVRARD