« Femme chrétienne et antillaise, vers une identité restaurée » est un ouvrage collectif qui se lit aussi facilement qu’un roman et pourtant c’est un ouvrage auquel collaborent 9 auteur-es (2 hommes et 7 femmes).


Ensemble, ils élaborent un patchwork de points de vue différents mais jamais dissemblables sur la question abordée, à tel point qu’on se sent comme embarqué dans un voyage vers une contrée lointaine.

« Femme chrétienne et antillaise, vers une identité restaurée. »

Ouvrage collectif sous la direction de Jean-Claude Girondin

Editions Farel, 2017

184 pages, 14€



Contrée lointaine géographiquement, en tous les cas pour moi qui n’ai jamais mis les pieds aux Antilles, mais certainement pas pour un grand nombre d’entre vous, amis lecteurs !

Contrée lointaine également dans sa dimension temporelle parce que le sujet abordé, le mal-être des femmes (et des hommes) antillaises remonte aux conséquences des structures familiales et identitaires héritées de l’esclavage.


En 3 parties, Jean-Claude Girondin et son équipe construisent un panorama passionnant :

  1. Jean-Claude Girondin parcourt l’histoire de la  région et comprend l’identité antillaise actuelle comme une conséquence des réalités de l’esclavage dans des domaines aussi variés que la compréhension de la famille, des différents liens qui la constituent, des responsabilités de chacun dans la cellule nucléaire. Ou encore, l’identité personnelle, plus particulièrement des femmes - puisque c’est le sujet du livre – et notamment la confiance en soi ou la responsabilité personnelle jusque dans le domaine de la vie spirituelle. L’article sur le pourquoi des  pratiques magico-superstitieuses est particulièrement éclairant !

  2. Dans une deuxième partie, le livre donne la parole à  trois femmes engagées dans une vie de foi personnelle. Leurs histoires de vie dégagent une impression de fraicheur et de lourdeurs entremêlées, le poids des héritages familiaux est présent mais jamais étouffant, les apprentissages spirituels et humains que ces parcours dévoilent sont propices à fortifier la foi des lecteurs.

  3. La troisième partie oriente le lecteur vers la dimension de restauration  spirituelle. Cette partie dense et riche, donne accès à chaque lecteur et lectrice à des ressources spirituelles et humaines permettant :


    1. Une réhabilitation du corps, de la « beauté noire » de la femme en tant que telle, c'est-à-dire en tant qu’être humain, avant même que d’être épouse ou mère.

    2. Une réhabilitation de la créativité de la femme dans l’église et dans les cultes, ce qui passe aussi par un décentrement du focus exclusivement placé sur les ministères institués. L’auteure de cet article donne des exemples de participation possible et élargit ici la compréhension de la notion de « culte » que le  lecteur pourrait se faire.

    3. La restauration d’une vie conjugale équilibrée dans laquelle la soumission féminine prônée par l’apôtre Paul se complète par l’amour sacrificiel masculin et non plus par une autorité masculine dominatrice et dévastatrice.


Cette troisième partie se termine par un excellent article d’une théologienne antillaise, Karen Reine-Prudent. Le thème de cet article « Témoigner ou habiter le monde avec Dieu »  me réjouit doublement :

  • Premièrement, il oriente tout à nouveau le lecteur vers l’extérieur de soi-même, car si nous sommes guéris et restaurés, que nous soyons antillais ou non, c’est autant pour nous-mêmes que pour « briller dans le monde » par Sa présence en nous !

  • Deuxièmement, la rigueur et le langage théologique de l’article, tout autant que sa profondeur et son aspect incarné, nous rappellent que les femmes ont bien d’autre chose à apporter au monde que des paroles sur les femmes et qu’il serait dommage de se priver de telles richesses humaines et spirituelles !


En résumé, j’ai trouvé ce livre passionnant, instructif et abordable à la fois, une belle réussite, donc. En tant que pasteure, l’article sur l’univers magico-religieux antillais et ses conséquences dans la spiritualité féminine me parait essentiel !



Le livre atteint pleinement le but qu’il s’était fixé, à savoir « encourager toutes les femmes antillaises, mais aussi (…) toutes les femmes du monde » en les « invitant à faire confiance à Dieu et à le servir loin de la jalousie, de l’envie et des pratiques magico-superstitieuses, à se former (…) non seulement  en étant des femmes debout spirituellement, mais en se laissant mettre en marche par Dieu et pour Dieu. »


 




Joëlle Razanajohary