Miroslav Volf
Foi chrétienne et sphère publique 

Comment les disciples de Christ devraient servir le bien commun

(Titre original : A Public Faith. How Followers of Christ Should Serve the Common Good, Baker, 2011)
Vida, 2017, 174 p., 14,95 €




Bien que peu connu en France (et jusque-là jamais traduit !), le croate Miroslav Volf est un des théologiens contemporains les plus influents. Ayant grandi en ex-Yougoslavie, c’est là qu’il se convertit et s’engage au sein des Églises Pentecôtistes.

Après une formation initiale en théologie évangélique, il effectue ses recherches doctorales et post-doctorales à Tübingen sous la direction du célèbre Jürgen Moltmann. Il enseigne depuis 1990 aux États-Unis (Fuller puis Yale) où il a publié plusieurs best-sellers.

Foi chrétienne et sphère publique

L’arrière-plan croate de Miroslav Volf semble avoir joué un rôle important dans sa réflexion théologique : celui-ci est connu pour son implication dans le dialogue œcuménique et interreligieux, et surtout pour ses ouvrages sur la question de la réconciliation.

Dans Foi chrétienne et sphère publique, Miroslav Volf pose la question de l’expression de la foi dans l’espace public. Il commence par dénoncer deux postures : celle d’une foi coercitive qui veut imposer ses convictions par tous les moyens possibles ; et celle d’une foi oisive qui voudrait que les croyants laissent leurs convictions au placard lorsqu’ils sortent de leur lieu de culte.

Pour le théologien croate, il est utopique de penser que l’on pourrait éliminer le religieux de la sphère publique. Cette idée ne vaut pas mieux que celle qui consiste à vouloir imposer une religion. Au contraire, les croyants – qu’ils soient chrétiens, musulmans ou juifs – doivent être perçus comme une force pour la société. Ils ont une mission  prophétique à exercer et une sagesse à transmettre.

Pour Miroslav Volf, le cœur du message des croyants monothéistes pour la société est celui de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Ce double amour est pour lui la clé de l’épanouissement de l’être humain, et c’est bien pour cela qu’il est d’une importance cruciale pour toute société.

Pour que ces convictions puissent s’exprimer dans l’espace public, le théologien souligne l’importance d’accepter un modèle pluraliste marqué par le dialogue respectueux et la recherche commune de la vérité.

L’ouvrage ne traite pas de la question de l’évangélisation ou de la foi comme moyen de salut individuel. Miroslav Volf s’intéresse ici à la question du bien commun et du vivre ensemble.

C’est dans ce cadre que l’auteur met quasiment sur un pied d’égalité christianisme, judaïsme ou islam. Je reste  sceptique face à son optimisme qui suggère qu’une société pluraliste serait un modèle tout à fait acceptable pour les musulmans.

J’y vois cependant le souci d’une invitation à la cohabitation paisible. Sur la forme, j’aurais apprécié que l’auteur développe davantage le modèle qu’il retient, plutôt que de s’attarder à démontrer les difficultés liées aux autres modèles.

Au-delà de ces quelques remarques, l’ouvrage propose une réflexion profonde et précieuse sur un sujet sensible, tout en restant simple et accessible à un large public.

Miroslav Volf est un théologien incontournable sur la question du rapport entre la foi chrétienne et la sphère publique. On ne peut que se réjouir de voir enfin un de ses ouvrages majeurs traduit en français !

Timothée Minard