Ce livre est une étude sur le terme grec philia (« ami ») dans l’ensemble des livres bibliques. Quelle pourrait être la place de l’amitié dans la spiritualité chrétienne, amitié qui dans la Bible met aussi en exergue d’autres notions telles que la fraternité, la charité. l'auteur (désormais J.A.) pose une question fondamentale : est-ce que l’amitié ne pourrait pas être « […] la condition et l’exercice élémentaire d’un amour du prochain et de Dieu ? » (p. 10)

 

                                                               

 

 Vous, vous êtes mes amis,

Jacqueline Assaël, Olivétan, 2023, 140 p. 18 € 

  

Dans un premier temps J. A. retrace l’histoire de la notion d’amitié chez les grecs (Platon et Aristote) pour conclure que chez ces auteurs, l’amitié est toujours intéressée, et orientée vers des visées soit politiques soit morales plutôt qu’une notion psychologique individuelle (p. 20). Par contre, chez les auteurs latins, notamment Cicéron, l’amitié est plus approfondie pour s’associer à une confiance supérieure à toute autre considération. D’autre part, elle peut développer d’autres vertus que le christianisme récupèrera et assimilera aux vertus théologales, notamment l’espérance. Un lien s’établit entre l’amitié et l’amour. Montaigne accentuera ce trait, pour lui, l’amitié est « spirituelle » au sens d’une communion d’esprit ou d’âme, elle a donc une dimension intellectuelle.

 

                                                                   

 

Jacqueline Assael

 

Un chapitre est consacré à étudier le terme philia dans l’A.T. A noter que la partie concernant cette notion dans le N.T. est très développée d’abord par l'étude du substantif philos, l’ami. Par exemple J.A. analyse les textes où Jésus s'adresse à ses disciples en les associant à sa personne dans une grande complicité surtout chez Luc et Jean et dans le contexte d’adversité, de persécutions ou de situations conflictuelles avec ses détracteurs (Luc 12, 4 et Jean 15, 13-15). Elle en conclue : « Sous la plume des évangélistes, Luc et Jean, l’amitié est un titre de gloire : il salue un certain courage dans la solidarité, une forme de responsabilité assumée. » (p. 61)

Une remarque : J.A. termine son étude en affirmant que la philia dans le N.T. doit « triompher des faiblesses égocentriques de la condition humaine » (p. 132). Ne pourrait-on pas dire la même chose pour ce qui concerne le terme de l’agapè dans certains textes du N.T. ? Il me semble que la proximité et parfois l’interchangeabilité des termes philein et agapan dans les textes du N.T. suggèrerait plus de prudence sur la spécificité que notre auteur accorde à la philia en tant qu’amitié. A ce titre voir l'étude de Robert Joly, un livre qui date mais qui à mon sens conserve toute sa pertinence : Le vocabulaire chrétien de l'amour est-il original ? Philein et agapan dans le grec antique, Presses Universitaires de Bruxelles, Institut d'histoire du christianisme, 1968.

Conclusion : en plus de l’intérêt de l’étude philologique et du thème de l’amitié dans la Bible, on notera la qualité d’écriture de J. A. toujours précise dans le choix des termes et très agréable à lire. J'ai particulièrement apprécié ce livre.

Thierry Rouquet