Un livre écrit à 2 mains par Joni Eareckson (J.E.) et Steven Estes (S.E.) pasteur et théologien. Voici comment J.E. conçoit cette collaboration ; ''J❜apporte l❜expérience et Steve Estes, avec ses nombreuses années d❜étude au séminaire, apporte l❜érudition.'' (p. 17). J.E. est bien connu du public évangélique, son autobiographie a marqué toute une génération de chrétiens suite à son accident de plongée en 1967 qui l❜a laissée tétraplégique. Peu de gens savent que J.E. a été aussi associée au comité de Lausanne pour l❜évangélisation mondiale en 1974 pour travailler sur les questions d❜handicap.

 

 

Quand Dieu pleure. Pourquoi le Tout-Puissant compatit à nos souffrances,

Joni Earckson Tada & Steven Estes, éditions Impact, 2020, 295 p. 15.90 € 

   

Peut être allez-vous dire ''encore un livre sur le thème de la souffrance, un livre qui tente péniblement de justifier Dieu avec toujours la même problématique : si Dieu est si bon et plein d❜amour pourquoi permet-il autant de souffrance ? Ce livre, notamment la première partie ''Qui est ce Dieu'' de S.E., répond théologiquement à ce genre de problématique. S.E. dit ceci par exemple : ''Dieu déteste la méchanceté, la misère et la destruction, mais il a décidé d❜orienter ce qu❜il déteste de manière à accomplir ce qu❜il aime.'' (p. 78, c❜est nous qui soulignons) et plus loin ''Si Dieu ne contrôlait pas le mal, le résultat en serait le mal souverain'' (p. 95). Autrement dit, Dieu n❜est pas de temps à autre souverain mais il l❜est tout le temps. Cependant ce livre va plus loin qu❜une réflexion théorique car on y trouve de longs développements sur le lien étroit entre la piété et la souffrance, quelle est la place de la souffrance dans la spiritualité évangélique et bien d’autres aspects sur la compréhension que nous pouvons avoir de la souffrance. A ce titre, ce livre questionne énormément, interpelle et surtout dérange tant il est vrai que la spiritualité évangélique a eu tort de balayer d❜un revers méprisant la place positive de la souffrance dans la foi chrétienne sous couvert d❜une théologie triomphaliste et présomptueuse.

    

                                        

 

                                                  Joni Earckson Tada & Steven Estes

   

 Alors oui, J.E. dit des choses difficiles à entendre mais nécessaires pour ne pas laisser un cortège de chrétiens désappointés et confus. Elle le dit avec une écriture sans filtre où apparaissent toutes ses réflexions et ses émotions sans céder pour autant au dolorisme : ''ce ne sont pas tant des vérités sur la souffrance que sur Dieu'' (p. 17). Tout en donnant le témoignage de personnes qui comprennent que leur attitude consentante face à la souffrance est un témoignage rendu à l❜évangile et pour le bien de leur entourage, J.E se demande si cela ne fait pas de ces chrétiens souffrants ''rien de plus que de simples aides audiovisuelles dans les mains d❜un Dieu utilitariste. Des leçons d❜objet permettant à d❜autres d❜apprendre des leçons ? '' (p. 117). Plus loin J.E. en conclue qu’en retour du témoignage rendu aux autres, la personne souffrante reçoit elle aussi un puissant encouragement ''S❜ils en tirent profit, elle gagne. S❜ils sont récompensés, elle récolte. S❜ils sont élevés, elle l❜est avec eux. Elle partage avec eux le premier prix pour les fruits manifestes dans leur vie.'' (p. 118).

   

Le livre se termine par 3 appendices (4ème partie) : le premier sur la souveraineté de Dieu sur toutes sortes de souffrance, le deuxième sur les desseins de Dieu au sein de la souffrance, le troisième sur la problématique de l’immutabilité de Dieu, autrement dit si Dieu ne change pas peut-il être alors attristé ?

   

Conclusion : un livre courageux qui demandera au lecteur attentif et honnête tout autant de courage qu❜il en aura fallu pour l❜écrire et surtout pour vivre ce qui y est écrit.

   

Thierry Rouquet