Une invitation à la danse
Le thème de la conjugalité traverse toute la Bible, avec en parallèle le développement d’une métaphore concernant les relations entre Dieu et son peuple (Yahvé/Israël, Christ/Eglise) : le couple humain comme image du couple divino-humain.
Un anthropomorphisme avec ses imperfections et une figure de style avec ses limites...
Car toute comparaison implique des différences et des ressemblances, des points de rupture et de rencontre, ou comme en optique des phénomènes de l’ordre de la réflexion ou de la réfraction de la lumière. (Réflexion et réfraction montrent toutes les deux une représentation d’un objet, mais cette dernière est quasi parfaite pour la réflexion, déformée ou orientée vers une autre direction pour la réfraction.)
Dans un livre publié aux éditions Olivétan « Une invitation à la danse. La métaphore conjugale dans la Bible », Joëlle SUTTER-RAZANAJOHARY choisit de traiter le reflet des deux couples (humano-humain et humano-divin) à partir des concepts de réflexion et de réfraction.
Son approche théologique a des conséquences concrètes. Le livre s’ouvre sur les violences conjugales, encore trop souvent taboues dans les Eglises. Pour l’autrice, ces violences trouvent leurs racines dans le fait que plusieurs réfractions de la métaphore conjugale n’ont pas été mises en évidence et que des interprétations non bibliques de certains textes se sont alors installées (la question soumission/autorité par exemple).
L’origine de la métaphore conjugale montre d’abord une rupture essentielle : celle du judaïsme avec les religions du Proche Orient Ancien qui célébraient l’union entre les dieux et les humains. Dans le judaïsme, l’humain est à l’image de Dieu et non l’inverse. Puis « en Christ », à travers l’incarnation el la glorification, une nouvelle réalité apparait : la réhabilitation du féminin.
L’autrice dégage quatre réfractions fondamentales entre d’une part le couple Yahvé/Israël, Christ/Eglise et d’autre part le couple homme/femme avant d’exposer les points de réflexion qui conduisent au plus près du projet de Dieu pour l’Eglise et pour le couple humain.
Il faut que le lecteur avance pas à pas pour les découvrir et ne rien perdre de cet exposé très riche. Les sujets à méditer sont en effet nombreux. Par exemple :
- La lecture de l’épitre aux Ephésiens (5.21-33) avec une différenciation entre les éléments essentiels, valables pour tous les temps, et les éléments contingents, propres à la culture de cette époque et dont l’absolutisation conduit à des abus. Sont également analysées les demandes respectives faites à l’épouse (la soumission et le respect envers celui qu’elle est invitée à considérer comme sa tête) et à l’époux (le sacrifice et l‘amour envers celle qu’il est invité à considérer comme son corps).
- Le sens de « une seule chair », avec un approfondissement des deux termes ainsi traduits (basar éhad) qui évoquent davantage « une chair unie ».
- « Christ est le chef de tout homme, le mari est le chef de sa femme, et Dieu est le chef du Christ. » (1ère épitre aux Corinthiens 11.3) et de ce fait un détour par la Trinité, avec une recherche des répercussions possibles de l’absence de subordination dans les relations intra-trinitaires sur le couple homme/femme
La compréhension de la Trinité immanente exposée par Joëlle SUTTER-RAZANAJOHARY débouche sur l’invitation à la danse faite au couple humain. Le pasteur Daniel BOURGUET rappelle que le mot « périchorèse » désigne une sorte de valse avant d’être utilisé en théologie pour penser l'unité de la Trinité. Il décrit la danse d’amour du Père, du Fils et du Saint-Esprit dans un extrait cité par l’autrice.
Comme en reflet, le couple humain est invité à danser. L’autrice explique cette valse en la mimant avec un jeu de mains, puis en tire les conséquences pour les relations du couple.
Joëlle SUTTER-RAZANAJOHARY est pasteur, secrétaire générale de la Fédération des Eglises Evangéliques Baptistes de France (FEEBF), créatrice du blog Servirensemble.com qui promeut l’égalité de l’homme et de la femme dans l’exercice des responsabilités et qui lutte contre toute violence humaine dans l’Église et dans le couple.
Christian BLANC, pasteur des Assemblées de Dieu, président du Conseil National des Evangéliques de France (CNEF), signe la préface du livre en exprimant le vœu que ce dernier encourage une bonne et juste compréhension de la volonté de Dieu au travers de sa Parole.
La lecture du livre est conseillée à tous ceux qui veulent approfondir les Ecritures et le projet de Dieu. Mariés ou célibataires ! De nombreuses notes explicatives, des tableaux récapitulatifs, un fil conducteur clair, des synthèses régulières le rendent accessible à un cercle bien plus large que les passionnés de théologie.
Brigitte EVRARD