David HAMIDOVIC enseigne à l’université de Lausanne. Il est historien de l’Antiquité, spécialiste du judaïsme ancien. Interpelé  par la pandémie de la COVID-19, il s’interroge sur ce que le monde est en train de vivre, et sans prendre le recul habituel à tout historien, publie aux éditions Bayard « Les racines bibliques de l’imaginaire des pandémies : des plaies d’Egypte aux coronavirus »

 

L’Occident a connu bien des crises sanitaires : les pestes, le choléra, la tuberculose, les grippes, la variole, le VIH…. David HAMIDOVIC se demande si les réactions des populations contemporaines confrontées au dernier coronavirus, sont différentes de celles observées autrefois, l’avènement de la raison et la déchristianisation conduisant logiquement les occidentaux à écarter toute vision chrétienne du monde. 

 

LES RACINES BIBLIQUES DE L’IMAGINAIRE DES PANDEMIES.

DES PLAIES D’EGYPTE AUX CORONAVIRUS  

David HAMIDOVIC

Editions Bayard

2020

144 pages

16,90 €

  

 

Pourtant, à mots couverts, il n’en est rien : sont toujours invoquées les plaies d’Egypte et les références à une emprise maléfique du monde. David HAMIDOVIC évoque donc l’existence d’un  imaginaire de l’épidémie  fondé sur un imaginaire judéo-chrétien , aux racines lointaines, façonné par les plaies d’Egypte et les lois juives sur les impuretés.

 

L’auteur consacre donc la première partie de son ouvrage aux plaies d’Egypte considérées comme la matrice de l’imaginaire antique de la crise sanitaire, et la seconde partie à la scrutation de l’impureté et à la chasse au démon vues comme les prémices d’une gestion moderne de la crise sanitaire.

 

Le lecteur retrouve alors le spécialiste de l’histoire du judaïsme dans l’Antiquité, de la culture biblique et des écrits apocryphes juifs :

 

  • David HAMIDOVIC contextualise, puis analyse et compare les trois récits bibliques des plaies d’Egypte (livre de l’Exode, Psaumes 78 et 105). Il s’attache à l’influence des  milieux rédacteurs, en particulier le milieu sacerdotal.

L’idée de la colère divine est présente : sur les Israélites d’abord, en l’absence de sacrifices à Dieu, puis sur Pharaon et les Egyptiens ensuite, en cas de refus de laisser partir les Israélites. Mais les textes entendent surtout affirmer la supériorité du Dieu d’Israël sur les autres dieux, la place unique de Dieu dans les polythéismes du Proche Orient ancien et dans l’Histoire.

 

L’auteur montre comment l’imaginaire biblique se met en place avec la violence de Dieu comme toile de fond, les catastrophes naturelles et sanitaires perçues comme punitions de Dieu, les peurs qui en découlent….   

 

L’institutionnalisation de la Pâque, commémoration de la sortie d'Égypte du peuple hébreu, fait entrer les plaies d’Egypte dans la culture juive.   

 

Dès lors le motif des plaies d’Egypte s’enracine et s’enrichit de nouvelles réflexions théologiques. David HAMIDOVIC commente plusieurs écrits juifs, apocryphes ou philosophiques, avant de montrer comment d’autres milieux s’emparent de la tradition des plaies d’Egypte au tournant de l’ère chrétienne. 

 

Une recontextualisation s’opère, l’image des pires châtiments divins s’ancre. A la fin de l’Antiquité, les plaies d’Égypte font partie de l’imaginaire judéo-chrétien . A tel point que l’Apocalypse n’a même plus besoin de les décrire pour se faire comprendre.

 

  • Par ailleurs, les  préoccupations sanitaires figurent parmi les préoccupations du peuple juif. Des règles strictes sont appliquées afin d’éviter les contaminations grâce à des personnes compétentes pour identifier les maladies et prescrire les mesures d’isolement des malades contagieux. 

David HAMIDOVIC montre que la gestion de la crise sanitaire actuelle ne s’éloigne guère des pratiques de l’Antiquité. 

 

Il approfondit les notions de pureté et impureté. Il s’attarde sur la gestion des maladies de peaux. Il met en perspective la question des soins.

 

  • L’auteur n’élude pas  la perception théologique de la maladie et notamment son explication par l’action d’un ou plusieurs démons. Il voit dans le fait de chasser le démon  la première prise en charge directe de la personne souffrante. Les  protocoles de soins actuels intègrent d’ailleurs la dimension spirituelle ou religieuse du malade.

 

Les travaux de David HAMIDOVIC sont originaux car il montre que quelque chose d’inattendu se produit : les incertitudes de la crise sanitaire font ressortir chez les occidentaux une pensée irrationnelle, l’imaginaire oublié des épidémies passées. 

 

L’ouvrage est de lecture aisée. Il s’adresse à un public d’érudits, mais tout est fait pour permettre à un lectorat plus large  d’y accéder facilement : un glossaire des abréviations des textes bibliques et extrabibliques, un glossaire des mots de la crise sanitaire, une liste des repères historiques du judaïsme ancien, les choix bibliographiques, un index scripturaire et une table des matières détaillée. 

 

Une lecture conseillée à ceux qui veulent découvrir des clés de compréhension de l’actualité dans l’héritage biblique et dans les crises sanitaires de l’Antiquité.  

 

Brigitte EVRARD