L ’éternité ainsi de suite ... Marion Muller-Colard
L'éternité ainsi de suite
Marion MULLER-COLARD
Editions Labor et Fides,mars 2019
88 pages – 14.90 €
Devant une œuvre d’art, quand on prend le temps d’oublier son quotidien et d’écouter ses émotions, on réfléchit et on médite. La théologienne protestante, Marion MULLER-COLARD, qui fait cette profonde expérience, nous offre une nouvelle fois un livre magnifique : « L'éternité ainsi de suite », paru aux Editions Labor et Fides.
Face aux peintures du lac Léman de Ferdinand Hodler, elle est interpellée par la colère du peintre devant des croquis de la femme aimée et mourante. Elle comprend alors que tous les êtres humains ont deux vocations inconciliables : lutter de toutes leurs forces contre la mort et lui ouvrir les bras.
C’est ce que fit le sculpteur lausannois Nikola ZARIC, décédé en 2017, accueillant sa mort prochaine tout en modelant son ultime bronze : « Christâne », une statue élevée sur une fine tige de cuivre, un homme à tête d’âne, les bras grands ouverts. Mais aucune croix n’étant sculptée, Marion MULLER-COLARD voit très vite d’autres lectures possibles de cette attitude : écartèlement du supplicié ou geste de bénédiction, crucifixion ou résurrection.
Cette œuvre d’art figure en première page du livre. Marion MULLER-COLARD y raconte librement le passé de Nikola ZARIC pour, dit-elle, « chanter l’alléluia torrentiel de la vie surabondante, dans le bonheur et le malheur. ». Elle suit le sculpteur absent, notant que le premier absent qu’elle a suivi est Jésus-Christ.
Tels sont les fils conducteurs de ce roman spirituel : la vie et la mort de Nikola ZARIC, ses œuvres et surtout « son » Christâne.
Telles sont les sources des nombreuses méditations qui jalonnent le récit.
L’autrice n’expose pas de théories religieuses mais elle parle de vie, de mort, de foi, du Christ, de la résurrection…..
Elle livre ses réflexions par petites touches, en permettant au lecteur de la suivre dans ses associations d’idées. Par exemple, pendant l’ascension qui la mène aux statues exposées face au glacier du Trient, elle se souvient que la Femlièvre est nue. Des prêtres en soutane ont baissé les yeux en passant. Elle note alors que c’est le regard qui contient l’obscénité, pas la statue. Elle dit sa colère face à un dogme religieux qui a tant sali à vouloir purifier. Puis ses pensées jaillissent les unes après les autres jusqu’à ce constat : l’Evangile porte cette idée que les systèmes religieux peuvent détruire le noyau dur de la foi même.
Les 88 pages sont vite lues si on ne prend que le seul plaisir du roman, en savourant la belle écriture de l’écrivaine. En fait, il faut prendre davantage de temps pour profiter pleinement de cet ouvrage et se laisser porter par les méditations de l’autrice.
Pour prendre conscience que « la vie est ce qui t’arrive quand tu es occupé à d’autres plans » (John Lennon commenté au chapitre 2 par Marion MULLER-COLARD), que la vie est une ronde et non un chemin. Car en Evangile, le temps n’est pas une ligne mais une boucle…….
Je conseille la lecture de ce livre à tous.
J’ose ajouter - à cause d’une des dernières phrases de son autrice - que ses pensées donneront à leur tour des pensées nouvelles et d’autres encore après celles-ci. L’éternité, ainsi de suite.
Brigitte EVRARD