L ’équilibre entre la politique et christianisme aujourd ’hui
La politique, parlons-en ! Éclairages et débats en Église
Cahiers de l’École Pastorale Hors-Série 18
Collectif sous la direction d’Evert VAN DE POLL
Croire Publications, 2017
208 pages -12 € « La politique, parlons-en ! Éclairages et débats en Église » publié aux éditions Croire et Servir, tombe à pic tant l’intérêt des Français pour la politique ne se dément pas. Or ce sujet est jugé si sensible qu’il en est devenu tabou dans les milieux évangéliques. Pourtant, d’une part les chrétiens votent et parfois sollicitent un mandat électif, d’autre part les sujets de société s’invitent de plus en plus dans la vie des Eglises.On ne peut plus se taire parfois. C’est sans doute ce qu’a pensé le Comité d’Ethique Protestante Evangélique quand il a publié en décembre 2015 une « Lettre ouverte à nos frères et sœurs évangéliques qui votent Front National ».
Prise de position si inhabituelle qu’elle déclenche alors stupeur et polémiques. Et quelques mois plus tard …….la rédaction de ce cahier de l’Ecole Pastorale qui veut nous inviter à la réflexion et à l’action en treize chapitres, treize contributions faciles à lire et très variées, se complétant et s’enrichissant mutuellement.
Dès le chapitre 1, Evert VAN DE POLL, professeur en sciences religieuses et en missiologie à la Faculté de Théologie Évangélique de Louvain, revient sur la genèse de cet ouvrage. Il interviewe Louis SCHWEITZER sur les raisons et les justifications de la fameuse lettre ouverte, et plus largement sur le rôle des pasteurs et responsables d’Eglise en période électorale.
Au chapitre 2, Nicolas FARELLY, pasteur à Compiègne et professeur associé de Nouveau Testament à la Faculté Libre de théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine, met en évidence le rapport des chrétiens aux autorités politiques selon le Nouveau Testament. Cinq passages sont commentés à cet effet : les tentations de Jésus dans le désert, l’impôt dû à César, ce qu’écrit Paul aux Romains, ce que dit Pierre dans sa première épitre et l’opposition farouche des autorités à l’évangélisation racontée dans les Actes. Avec en arrière-plan l’idée que Dieu est toujours premier et source de tout.
Au chapitre 3, Michel BERTRAND, pasteur et professeur de théologie pratique à la faculté libre de théologie protestante de Montpellier, s’interroge sur la place des pasteurs dans la cité, en deux étapes : un rappel des convictions du protestantisme s’agissant du rapport des Eglises à la société, puis les domaines des interventions de l’Eglise dans l’espace public. On prend alors bien conscience des problématiques posées et des attentes à l’égard des pasteurs.
Au chapitre 4, Evert VAN DE POLL s’interroge sur l’engagement des pasteurs en politique : est-ce possible ou est-ce une entrave au ministère pastoral ? Il apporte une réponse nuancée après avoir examiné la question sous plusieurs angles : les règlements des familles d’Eglise, les raisons des réticences des Eglises et des exemples de pasteurs engagés.
Au chapitre 5, Thierry Le GALL, créateur et directeur du service pastoral du CNEF auprès des parlementaires revient sur la mission et le rôle de ce service auprès des élus.
Au chapitre 6, José DIAS, directeur de la formation à la FEEBF et directeur de l’Ecole Pastorale, interroge Luc MARONI, pasteur et maire-adjoint de Lens, qui va évoquer les conséquences de son engagement social et politique dans sa ville. Visibilité et crédibilité de l’Eglise, compatibilité entre le social et l’évangélisation, frontières entre la responsabilité d’une Eglise et le mandat d’élu, laïcité et bien d’autres sujets encore témoignent de l’impact de la présence d’un chrétien actif au cœur d’une ville.
Au chapitre 7, Nancy LEFEVRE, juriste auprès du CNEF, aborde notre liberté de conscience dans le cadre de la laïcité française. Entre les risques de restrictions de la liberté des croyants et la mauvaise compréhension des droits existants, elle met l’accent sur les connaissances qui s’imposent aux pasteurs et responsables d’Eglise.
Au chapitre 8, Luc OLEKHNOVITCH, pasteur de l’Union des églises évangéliques libres de France et président de la Commission d’éthique protestante évangélique met en garde : « évangéliques, la tentation du pouvoir… fort » et élargit le débat avec de nombreuses questions. Par exemple : pourquoi le vote ne serait-il qu’une affaire privée et échapperait-il à une lecture éthique chrétienne ? Juger les programmes avec comme unique critère leurs références à l’ordre moral n’est-ce pas une vision étroite de la politique ? Quelles causes défendre et comment ?
Au chapitre 9, Frédéric de CONINCK, professeur de sociologie, met en parallèle l’espérance chrétienne et la crise du vivre ensemble. La lecture de ce chapitre permet de comprendre pourquoi les chrétiens peuvent témoigner avec une présence unique et originale dans une société déboussolée et clivée.
Le chapitre 10 est résumé par son titre « Entre islamophobie et islamofolie » ; on y trouve une interview du pasteur Saïd OUJIBA de mars 2015 et un résumé de son livre sur ce thème. Des pistes de réflexion qui s’ajoutent aux nombreux éléments du débat actuel sur l’islam.
Au chapitre 11, Eddy NISUS, pasteur et historien, parle du silence de l’Eglise face aux injustices. A travers trois exemples – la ségrégation en Amérique, l’Apartheid en Afrique du Sud et la Shoah- il évalue les positions non uniformisées qui furent celles des Eglises. Puis, il s’interroge sur la nature et les limites des prises de parole publiques des responsables d’Eglise.
Au chapitre 12, Mélanie LEGENDRE, pasteur au sein de l’Union des Eglises Evangéliques Libres, revient sur le phénomène du populisme en Europe. Après en avoir exposé les ressorts et les discours, elle suggère aux chrétiens de rester lucides, de résister à cette tentation et de prier.
Au chapitre 13, Louis SCHWEITZER, professeur d’éthique et de spiritualité à la Faculté Libre de Théologie Evangélique et membre du Comité d’Ethique Protestante Evangélique, insiste sur l’importance du vote en conscience de chaque chrétien et nous livre quelques remarques pour les périodes électorales ainsi que des conseils pour repérer la complexité des enjeux.
Pour conclure, si ce cahier s’adresse en priorité aux pasteurs et responsables d’Eglise, j’en conseille la lecture à tout chrétien intéressé par la politique, surtout s’il milite ou s’il est élu.
Brigitte Evrard