A la recherche de la grande couleur chrétienne - Les diaconesses de Reuilly
Sœur Bénédicte
À la recherche de la grande couleur chrétienne
L’engagement œcuménique de la communauté des diaconesses de Reuilly
Olivetan, 2015, 256 pages, 24 €
Le pasteur Vermeil (1799-1864) écrit dans une lettre datée du 6 février 1841 à Caroline Malvesin (1806-1889): «Je voudrais voir s’établir parmi nous une autorité, un centre qui dominât notre Église et notre sacerdoce, qui coordonnât notre action et sans envahir le sanctuaire des consciences, présidât à l’ordre au milieu de nous… Une chose plus facile peut-être, et dont l’utilité serait plus aisément démontrée et sentie, serait d’introduire dans une œuvre quelconque chrétienne, fondée au profit de notre Église, cet esprit de subordination et de dévouement qui nous manque».
C’est ainsi que débute il y a 175 ans l’histoire de la communauté des diaconesses de Reuilly. Des religieuses protestantes!
La première Sœur se nomme Caroline. Elle se distingue par la qualité de son service auprès des pauvres, des femmes seules, des enfants et des malades.
En 1844, un terrain est à vendre rue de Reuilly, non loin de la rue des Trois-sabres où loge la communauté. Du soir au lendemain, le pasteur Vermeil signe l’acquisition grâce à quelques riches familles amies. Il rassemble en 48 heures la somme exigible.
En 1857, le pasteur Vermeil, malade, demande à son ami, le pasteur luthérien Louis Vallette, de poursuivre à sa place la conduite de l’œuvre.
En 1868, Sœur Caroline laisse la place à Sœur Jenny, puis viendront Sœur Victoire. Sœur Waller, qui vient des Pays-Bas, assurera 35 ans de supériorat.
Au moment où Sœur Waller se retire, la communauté se trouve fragilisée. Avec la publication des lois de 1901 et 1905, l’existence de la Communauté est mise en question. Celle-ci doit faire un choix entre le statut de congrégation et l’assimilation aux religieuses catholiques ou le statut d’association pour se rapprocher des protestants. Elle retiendra cette dernière solution.
Jusqu’à la seconde guerre mondiale, la communauté affermit son lien avec les Eglises réformée et luthérienne. La relation avec le catholicisme reste méfiante.
En 1964, le costume noir fait place au bleu, le gros nœud noir du tablier disparaît au profit d’un scapulaire bleu qui, pour certaines, est un signe de louange et de communion avec les communautés monastiques catholiques. Par les différents hôtes, notamment catholiques, les sœurs expérimentent désormais un œcuménisme plus pragmatique, et désormais élargi.
La charité, la prière, l’engagement dans les voies de Dieu au-delà de toute confession chrétienne: voilà les grandes lignes de leur engagement.
«Seul ce qui demeure s’apparente à Dieu et à son Église indivise».
Œuvrer pour l’unité, c’est revenir à la première Pentecôte. C’est croire que l’Eglise est objet de foi.
La communauté de Reuilly a suivi avec attention le patient processus de rapprochement entre luthériens et réformés en France.
Bien des problèmes naissent de la méconnaissance des orientations théologiques ou pratiques de l’autre. Le premier pas vers l’unité consiste à essayer de comprendre les raisons profondes de l’attitude de chacun. Le terreau commun d’une fraternité œcuménique est fondé sur un engagement définitif selon les trois vœux religieux que sont, traditionnellement, la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. La Règle de Reuilly, qui organise la vie de la Communauté, et qui est lue quotidiennement, propose un équilibre de la parole et du silence, don de soi d’abord au service du prochain.
C’est toute l’histoire de cette aventure œcuménique qui nous est proposée dans ce livre par Sœur Bénédicte, diaconesse de Reuilly, qui a souvent exprimé les positions de cette communauté monastique et a été membre du Conseil de la fédération protestante de France.
Un livre lumineux, attachant et chaleureux vivement recommandé.
Élisabeth Loussaut